Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVI, 1888.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
revue philosophique

vantent orgueilleusement comme caractéristiques de leurs systèmes psychologiques, et qui n’ont pas, du moins, parmi tous leurs mérites, le mérite de l’originalité. » Est-il nécessaire de répondre que ces rencontres ne diminuent en rien l’originalité des théories modernes ? Elles prouveraient seulement qu’il y a comme un fonds commun dans lequel l’esprit humain est fatalement renfermé et dont il a depuis longtemps reconnu les limites. Mais y refaire certaines découvertes, c’est les faire en réalité, avec cette différence toutefois qu’elles ne seront plus à faire désormais, selon toute apparence.

Le nouveau livre de M. Chaignet, au point de vue des renseignements qu’il peut ainsi fournir sur la philosophie ancienne, est donc un livre véritablement utile à ceux qui s’intéressent encore à ces études. La doctrine de l’auteur, touchant l’union indissoluble de la psychologie et de la métaphysique, mérite, je crois, une entière approbation. Mais je voudrais que l’auteur eût mis plus franchement en évidence cette doctrine par la composition même de son travail et ne se fut pas contenté de l’exposer dans sa préface. Il aurait été alors impossible de supposer qu’elle ne lui est venue à l’esprit qu’après coup.

A. Penjon.

Daniel Greenleaf Thompson. The Problem of Evil, an Introduction to the Practical Sciences. Londres, Longmans, 1887.

L’auteur, déjà connu avantageusement par un ouvrage intitulé : Système de psychologie, ne se propose pas de traiter le problème du mal dans toute sa généralité. Il écarte, comme inaccessible à l’investigation scientifique, le côté théologique et métaphysique de la question. Il se contente de rechercher les causes du mal social et les moyens de le guérir.

Le mal social se ramène pour lui au mal moral, et celui-ci se confond, en dernière analyse, avec le mal naturel. En effet, le mal, c’est ce qui cause de la peine ; or, le mal moral sous toutes ses formes, mensonge, injustice, cruauté, etc., a toujours pour résultat ultime de causer une peine à autrui.

Or, la loi morale ne peut être autre, selon l’auteur, que l’obligation pour chacun de contribuer, selon ses forces, au plus grand bonheur du plus grand nombre. M. Thomson est nettement utilitaire. Il discute (ch.  IX) la doctrine opposée à l’utilitarisme, celle qui propose à l’homme, comme souverain bien et but suprême de sa volonté, la perfection. Cette doctrine, dont il trouve une remarquable exposition dans les Prolegomena of Ethics, du professeur Green, lui paraît revenir, malgré elle, au principe de l’utilitarisme, car une volonté parfaitement bonne ne peut vouloir que le plus grand bonheur du plus grand nombre. — Nous ne sommes pas convaincu, malgré les efforts de M. Thompson, que l’utilitarisme puisse rendre compte du caractère obligatoire de la loi morale : il ne nous paraît pas que l’idée du bon-