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ANALYSES.e. -j. varona. Conferencias filosoficas, etc..

sont ma représentation ; mais je ne sais pas comment je me les représente. Voilà pourtant le grand problème et la grande difficulté. On ne peut le résoudre, dans les limites qui l’enserrent, qu’en adoptant un procédé indirect interroger sur chacun des actes mentaux notre conscience, qui nous informe, autant qu’elle peut le faire, de la phénoménalité subjective, et chercher ensuite le témoignage de l’observation externe pour approfondir, autant que faire se peut, la phénoménalité objective.

L’auteur expliquera d’ailleurs, mieux que je ne saurais le faire, ses idées sur la méthode à suivre, et qu’il a rigoureusement suivie, pour son compte. « L’introspection doit nous donner une classification provisoire des états de conscience, et elle peut même à la rigueur arriver à découvrir quelques relations primordiales entre elles. Nous voyons donc qu’elle fait le premier amas de matériaux, les ordonne et les distribue provisoirement. Pour tant que se limite, et doive se limiter le champ de la conscience, elle sera toujours la pierre de touche à laquelle nous devrons recourir pour nous convaincre de la validité de nos acquisitions externes. Dans ce sens paraît vrai le mot du vieux philosophe : l’homme est la mesure de tout. Mais comme il ne s’agit pas de bâtir dans le vide, l’observation externe vient compléter l’œuvre de l’observation interne. Sans sortir de lui-même, le sujet peut tendre la main, pour ainsi dire, aux méthodes expérimentales. Les phénomènes de sensibilité qui flottent sur la frontière incertaine qui unit les deux mondes, dont l’objectivité est subjectivité, et vice versa, peuvent être soumis à des expériences délicates, et, ce qui est plus, ils nous ouvrent la place pour expérimenter sur certains aspects des phénomènes les plus cachés, appartenant à l’intelligence et à la volonté ; nous pouvons appeler en jugement la mémoire et éprouver ses forces ; nous pouvons dans une certaine mesure expérimenter sur notre volonté et nous assurer de sa trempe ; nous pouvons introduire un élément de perturbation dans notre idéation, pour établir ensuite la comparaison. C’est dire que le sujet lui-même se considère par le côté subjectif et arrive nécessairement à la conviction que tous ses états mentaux ont un concomitant physique, accessible à l’observation externe, et que ce concomitant physique en son propre organisme est principalement le système nerveux.

« Dès lors, quel champ d’observations pour le psychologue ! Il découvre, en effet, devant lui d’innombrables êtres dont l’apparence, dont les actes lui révèlent la possession d’états de conscience identiques aux siens, et d’un organisme identique ou semblable au sien. Ce qui lui manquait pour compléter la méthode expérimentale est déjà dans sa main. Les variations qu’il ne peut introduire en lui-même, il peut les provoquer chez d’autres êtres, ou il s’en représente la nature. Le substratum organique, cet appareil délicat qu’il ne peut étudier en lui-même, s’offre à ses yeux sur la table anatomique ; la physiologie le lui fait connaître sous tous ses aspects et dans toutes ses manières de fonctionner. La simplification des phénomènes, requise pour une bonne méthode inductive, et qu’il ne peut essayer sur lui-même, il la rencontre