Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVI, 1888.djvu/633

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
623
ANALYSES.g. tarantino. Saggio sul criticismo, etc. .

G. Tarantino.Saggio sul criticismo e sull’associazionismo di Davide Hume. Napoli, Morano, 1887, in-8o, 75 p.

Dans une étude sur Locke, M. Tarantino, qui n’est pas un inconnu pour nos lecteurs, revendiquait pour l’école anglaise l’honneur d’avoir fondé le criticisme. Dans son nouvel essai, qui n’est qu’une partie d’un travail plus ample sur la psychologie anglaise, il s’attache à démontrer que Hume, créateur de la philosophie de l’association, a eu le mérite de porter le criticisme à un point qui n’a pas été dépassé par Kant.

Cette assertion est hardie et vaudra des objections à son auteur. Notre but est seulement de montrer comment il prouve sa thèse relativement à ces trois objets : le principe de cause, l’idée de substance matérielle et celle de substance spirituelle.

Hume explique le principe de causalité par la loi d’association et l’habitude. L’expérience lui paraît d’ailleurs insuffisante pour justifier le lien nécessaire que nous mettons dans les phénomènes. De même aussi, pour Kant, la nécessité ne peut pas provenir de l’expérience. Ce dernier se rabat sur l’intellect, qui, selon Hume, est non moins impuissant à produire la nécessité. Hume se livre dès lors à une expérience psychologique sur la manière dont s’engendre l’illusion d’un lien réel entre les objets. Kant aurait dû combattre les arguments de son devancier ; au contraire, il pose un nouveau problème : comment une fonction subjective, qui est la catégorie, peut-elle conférer à un rapport également subjectif le caractère d’objectivité ? Il résout le problème par l’application de la fonction catégorique aux données de la sensibilité, au moyen du schéma du temps. Kant ayant refusé le caractère d’existentialité aux concepts, de quel droit passe-t-il de la pensée à la réalité extérieure ? Hume s’est maintenu bien plus fidèlement que lui dans la position critique.

En second lieu, relativement à la question de la réalité du monde extérieur, la position du philosophe écossais n’a pas été dépassée par Kant. La raison et les sens ne pouvant établir une dépendance entre nos perceptions et les objets externes, d’où vient l’illusion qui nous fait croire à leur réalité ? De l’imagination, qui nous fait convertir en identité une simple ressemblance ; cette illusion est déterminée par la force attractive des états psychiques. Hume, de son côté, avait dit que la causalité, d’essence subjective, ne peut valoir qu’entre un état psychique et un autre, mais non entre les phénomènes psychiques et le monde extérieur, la chose en soi.

Il en est de même de la situation respective des deux philosophes quant à la croyance à la simplicité et à l’identité du moi. Pure illusion de l’esprit, due elle-même à la force d’attraction qui associe les représentations comme en une masse unique et compacte. Nous construisons par suite un moi réel et invisible ; comme la forme de la conscience est immuable, nous attribuons ensuite l’identité à son contenu. Kant reproduit l’idée de Hume en mettant la forme immuable de la conscience transcendante au-dessus de l’incessant mouvement de la cons-