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source thermale, à donner raison aux inondations contre les champs et aux incendies contre les maisons ? Alors pourquoi prendrait-il parti pour les passions malfaisantes contre les dispositions bienfaisantes, et cette soi-disant conséquence de ses principes ne leur est-elle pas diamétralement opposée ?

Si nous avons insisté sur ces chapitres, qui constituent d’ailleurs la partie la plus étendue de l’ouvrage, c’est qu’ils font le mieux ressortir les tendances de l’auteur et l’état du débat.

Dans les chapitres suivants, M. H. étudie les questions de la monarchie et de la politique, de la richesse et du mariage dans leurs rapports avec le naturalisme. Il s’élève avec quelque raison contre les solutions passablement socialistes et, à notre avis, médiocrement naturalistes de son adversaire, tout en approuvant ses intentions humanitaires. Justes également nous paraissent ses observations sur le mariage et la monogamie. Nordau est d’ailleurs ici plus indécis ; il avoue la monogamie praticable, quoiqu’il ne la croie point naturelle. M. H. lui répond très bien qu’on ne peut absolument identifier ce qui est naturel pour l’animal et ce qui l’est pour l’homme, et qu’ensuite, si la monogamie est universelle chez les peuples civilisés et tend à se généraliser, c’est qu’elle est bien naturelle. Si elle impose un frein aux instincts polygames de l’individu au nom des exigences de la vie sociale, qui sont une sorte de raison objective, comment, remarque M. H., un apôtre de l’altruisme, du sacrifice de l’égoïsme à l’intérêt collectif, comme M. Nordau, peut-il y trouver à redire ? La monogamie, dirons-nous, est socialement, sinon physiologiquement naturelle.

Nous voudrions voir nettement écartées les ambiguïtés multiples de ce mot « naturel » et qui persistent pour la plupart, en dépit de la belle étude de Stuart-Mill. Ici, en particulier, nous remarquons qu’il ne faut pas confondre naturel et primitif. Au point de vue du naturalisme évolutionniste notamment, n’est-il pas logique de considérer les produits les plus élevés de l’évolution physique ou morale comme au moins aussi naturels, en un sens, que les plus rudimentaires ? La véritable nature d’une chose ne se révèle-t-elle pas mieux là où elle est plus complètement développée ? Nous entrevoyons cette idée chez M. Hölscher. Pourtant il ne l’adopte pas franchement, car il y est infidèle. Pourquoi, par exemple veut-il faire valoir en faveur de la monarchie le caractère primitif de cette institution, reconnu par Nordau ? N’y aurait-il pas là plutôt de quoi la condamner ?

Le remède à tous les maux, on le devine, c’est, aux yeux de M. H., l’adoption du point de vue chrétien. J’aurais trop à dire sur la valeur et sur l’efficacité du remède. Je laisse cette question de côté ; elle tombe devant celle-ci : comment l’appliquer ? comment ramener les esprits au christianisme, s’il est vrai qu’ils s’en éloignent ? M. H. oublie de nous le dire.

C’est ici l’occasion de remarquer, en conclusion, que les deux adversaires s’accordent dans une même infidélité au naturalisme : l’un et