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ANALYSES.m. -a. hölscher. Die naturwissenschaftliche, etc.

rable que la santé. M. H. veut encore conclure de l’universalité du besoin religieux qu’à ce besoin doit correspondre objectivement de quoi le satisfaire. Les animaux auraient-ils une bouche, s’il n’y avait rien à manger ? Fort bien ; mais d’abord est-ce bien le même besoin que satisfont le fétichisme du Malais et le monothéisme chrétien ? N’est-on pas dupe des mots ? La singulière argumentation que d’appeler la première de ces croyances à justifier la seconde ! Enfin, si d’un besoin physique on conclut à un objet physique, d’un besoin d’ordre idéal pourra-t-on conclure à autre chose qu’à la possibilité d’une satisfaction tout idéale ? Et tous ces vices de raisonnement se compliquent encore de la prétention de M. H. à nous donner les aspirations messianiques du petit peuple juif comme un besoin universel de l’humanité. On voit si nous avions tort de nous défier du naturalisme subjectif de M. H.

C’est la même méthode qu’il applique à la question de l’immortalité. Que penserait-on, dit-il, d’un savant qui, voyant un fait se renouveler indéfiniment, refuserait d’y reconnaître une loi de la nature ? Que penser alors du naturaliste, qui, constatant l’universelle croyance à l’immortalité, persisterait à la repousser ? Mais, en présence de ce fait constant, le savant conclura certainement que la croyance à l’immortalité est une loi de la nature humaine, et résulte de conditions générales ; mais rien ne l’autorisera pour cela à croire à l’immortalité elle-même. Il y avait des raisons générales et persistantes pour croire que le soleil tournait autour de la terre : voilà tout ce que prouvait la généralité de cette croyance. Avec le raisonnement de M. H. on aurait pu conclure que Galilée était dans l’erreur et violait la bonne méthode scientifique.

M. H., d’accord ici avec la plupart des adversaires du naturalisme, le prend encore vivement à partie sur la lutte pour la vie. De quel droit, s’il n’y a dans la société qu’un jeu de forces, prêcher le dévouement au détriment de l’égoïsme ? Le voleur et l’assasin ne sont-ils pas justifiés par leur triomphe même ? Mais ce triomphe, M. H. l’oublie, est momentané et partiel. La société tout entière s’y oppose, et le dernier mot lui reste ordinairement. M. H. se condamne d’ailleurs lui-même, lorsqu’il conclut qu’alors la société ressemblerait à « une mêlée de brigands ivres de vin et de sang ». Estime-t-il donc qu’un semblable état de choses soit bien désirable et qu’il ne soit pas naturel de la part des hommes de faire tout le possible pour l’éviter ? Si tous luttent pour la vie, tous ne doivent-ils pas résister à ce qui menace également la vie et les intérêts de tous ? La lutte pour la vie serait-elle donc autre chose que l’élimination de tout ce qui rend la vie difficile ou impossible ? Pourquoi dès lors ne pourrait-elle pas produire la ligue du droit contre la violence, des intérêts communs ou conciliables contre les intérêts exclusifs et incompatibles ? Le droit n’implique-t-il pas un souhait de force qui doit finir par l’emporter, parce qu’il est commun au plus grand nombre ? Jusqu’à quand émettra-t-on la prétention de condamner le naturalisme à aimer autant une éruption volcanique qu’une