Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVI, 1888.djvu/625

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
615
ANALYSES.m. -a. hölscher. Die naturwissenschaftliche, etc.

Fr. M. A. Hölscher.Die naturwissenschaftliche Weltansicht in Beziehung auf Religion und Staat, Erwerb und Ehe, etc. (Le Naturalisme considéré dans ses rapports avec la religion et l’État, la richesse et le mariage.) Gotha, Fr. And. Perthes, 1888 ; 1 vol.  in-8o, 126 p..

L’ouvrage de M. Hölscher est une réponse à celui de M. Nordau, intitulé : Die konventionellen Lügen der Kulturmenschheit. L’idée de ce dernier est que nos institutions sont en désaccord avec le point de vue du naturalisme, qui est celui de la science contemporaine ; de ce désaccord et des « mensonges conventionnels » qu’il introduirait dans la vie sociale résulterait le malaise général dont souffre la société civilisée. M. Hölscher lui répond, non pas en s’attaquant au naturalisme, mais en essayant, au contraire, de montrer que la doctrine qui prend ce nom ne le mérite pas ; qu’elle est matérialiste et que, dans la nature, elle néglige arbitrairement les instincts et les besoins les plus élevés de l’homme ; qu’enfin un vrai naturalisme tiendrait compte avant tout de ce que l’auteur appelle « la nature humaine intérieure ». C’est ce qu’on pourrait appeler un naturalisme subjectif ou psychologique. Les partisans du naturalisme réclament, par la bouche de Du Bois-Reymond, l’application à l’homme moral et social de la méthode des sciences naturelles : M. Hölscher prétend être plus fidèle qu’eux-mêmes à cette règle. Il déclare enfin renoncer à toute hypothèse dualiste, et croit pouvoir le faire sans trahir le christianisme.

Nous touchons ici à un autre côté de la pensée de notre auteur : il s’efforce, et nous croyons voir que c’est pour lui le fond du débat, de justifier, dans toutes les questions discutées, le point de vue du christianisme. Mais, ici encore, il veut rester naturaliste ; il ne cherche pas, comme tant d’autres apologistes, à mettre le christianisme au-dessus de la nature et de la science. Il a, bien au contraire, l’ambition de l’y faire rentrer, en montrant dans ses dogmes des postulats nécessaires du naturalisme tel qu’il le définit.

Telle est, dans ses traits essentiels, la pensée du livre de M. H. Sur le premier point, nous serions tout disposés à entrer dans ses vues, n’étaient les abus auxquels est sujette la méthode qu’il préconise : des idées et des désirs des hommes on peut bien inférer leurs origines ou leurs causes, mais non point conclure à la réalité de leurs objets ou de leurs fins. Y prendra-t-on suffisamment garde ?

Sur le second point, M. Hölscher ne nous persuade guère, parce qu’au lieu de nous parler du christianisme tel qu’il existe comme fait historique avec ses dogmes et ses institutions, il paraît s’en tenir, comme certaines écoles protestantes, à un christianisme de sa façon, dont il peut faire et dire à peu près ce qu’il voudra.

De ce rapide aperçu retenons pourtant déjà l’importante concession faite au naturalisme : on ne se place plus hors de lui pour le réfuter ; on ne lui oppose plus que ses propres principes ; en le discutant on a la prétention, non de l’éliminer, mais au contraire de le généraliser.