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ANALYSES.g. lyon. L’idéalisme en Angleterre, etc.

2o Qu’il existe une substance (celle que saisit immédiatement l’intuition de la conscience, Cogito), laquelle exclut l’essence de l’étendue.

3o Ma substance a diverses facultés qui sont comme ses modes ; par exemple, la faculté d’imaginer, celle de sentir.

4o Je connais la faculté de changer de lieu, de prendre différentes situations. Ces facultés supposent, comme les précédentes, une substance ; mais, dans leur concept clair et distinct, il y a une sorte d’extension qui se trouve contenue, mais point du tout d’intelligence. Voilà la substance matérielle démontrée.

5o La faculté de produire en moi des sensations ne peut être en moi qui ne suis qu’une chose qui pense ; car elle ne présuppose point ma pensée et de plus ces idées sensibles me sont souvent représentées sans que j’y contribue en aucune façon. Elle doit donc être en quelque substance qui n’est pas Dieu, ni un esprit comme le mien ; car l’inclination à croire qu’elle est dans une substance corporelle est une de ces dispositions créées en moi par Dieu même et qui constituent ma nature. Or ce que la nature m’enseigne contient nécessairement quelque vérité.

Ici une discussion commence : qu’est-ce proprement que ma nature ?

Descartes donne d’abord une définition générale : par ma nature, je n’entends autre chose que la complexion ou l’assemblage de toutes les choses que Dieu m’a données. L’un des enseignements de la nature, c’est que j’ai un corps qui est mal disposé quand je sens de la douleur, qui a besoin de manger, de boire, etc. D’où l’union très intime des deux substances, corps et âme.

Un autre enseignement de la nature, c’est qu’il y a des corps autour du mien, desquels j’ai à poursuivre les uns et à fuir les autres.

Si maintenant, d’une façon plus restreinte, j’appelle nature, en cette discussion, les choses que Dieu m’a données en tant que je suis composé d’une âme et d’un corps, tout ce que la nature m’enseigne à ce point de vue, c’est qu’il y a des choses à rechercher ou à éviter ; quant à ce que ces choses sont en elles-mêmes, c’est à l’esprit seul, non au composé de l’esprit et du corps, qu’il appartient de le connaître.

La nature, qui est l’œuvre de Dieu, ne saurait me tromper, tant que je m’en tiens à ce qu’elle me fait connaître clairement et distinctement ; comment donc nous induit-elle parfois en des erreurs funestes ? C’est ainsi qu’elle inspire à l’hydropique un désir de boire, dont la satisfaction ne fait qu’aggraver son mal.

Descartes accorde que, dans certaines circonstances, la nature nous trompe, mais en vertu d’une cause accidentelle, exceptionnelle, qui provoque les mêmes mouvements physiques, par suite les mêmes sentiments que la cause véritable instituée par Dieu. L’erreur ne sera donc jamais qu’accidentelle, et je ne puis plus craindre « qu’il se rencontre de la fausseté dans les choses qui me sont le plus ordinairement (quotidie, dans le texte latin) représentées par mes sens ».

Donc le réalisme, fondé d’abord sur les principes de substance et de