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Ainsi se trouvent de nouveau coordonnés, et cette fois d’une manière tout à fait concrète et précise, les grandes lois biologiques découvertes et démontrées par les savants des diverses époques.

Ce court exposé suffit, je l’espère, pour faire comprendre quelles sont les tendances de l’école transformiste contemporaine et quelle est la nature des questions qu’il lui reste à élucider.

Ces principes une fois posés et démontrés par de nombreux exemples, on peut en effet reprendre avec confiance la tâche que s’était proposée Hæckel et tenter l’explication des diverses formes animales. De toutes parts d’ailleurs, les zoologistes des nations les plus diverses s’étaient attachés avec ardeur à déterminer aussi rigoureusement que possible l’enchaînement des êtres qui faisaient plus spécialement l’objet de leurs études ; depuis longtemps Hæckel avait présenté sa célèbre phylogénie des Éponges ; d’autre part, l’histoire généalogique des Mammifères a fait dans ces dernières années de grands progrès ; celle des Poissons préoccupe les naturalistes allemands les plus éminents ; celle des Echinodermes a été mise en lumière par M. Perrier lui-même, dans une longue suite de travaux, et se présente aujourd’hui avec un caractère de simplicité qu’on était à peine en droit d’espérer.

Pour ce qui concerne les animaux inférieurs, les divergences d’opinion sont encore parfois assez vives ; cependant pour les Cœlentérés en particulier, si l’on admet la théorie des colonies animales, la coordination des formes s’établit pour ainsi dire d’elle-même, et la série phylogénétique s’en déduit avec la plus grande facilité ; dans quelques cas enfin, si l’entraînement paraît encore un peu hypothétique, il n’est pas douteux que de nouvelles recherches d’embryogénie et d’anatomie comparée ne viennent bientôt lever les dernières difficultés.

Si, malgré tant de résultats importants auxquels est arrivée la zoologie moderne, malgré les efforts persévérants et concordants des savants appartenant aux écoles les plus diverses, le dernier mot n’est pas dit au sujet des relations morphologiques et phylogénétiques des animaux, il ne peut pas l’être encore, on le conçoit sans peine, pour les grands problèmes que se posent le naturaliste et le philosophe. « Aux premières questions qui se posent : Qu’est-ce que la vie ? Comment la vie a-t-elle pris naissance sur la terre ? nous n’avons aucune réponse. » La descendance des formes vivantes ne peut pas elle-même être démontrée directement, et nous ne pourrons probablement jamais prouver mathématiquement que l’évolution des êtres s’est réellement produite aux diverses époques géologiques, ainsi que nous pouvons le concevoir parfois avec une grande vraisemblance. Mais si nous arrivons à édifier une théorie dont tous les principes soient vérifiés par l’observation et même par l’expérience, une théorie qui permette d’expliquer d’une manière simple et logique les phénomènes les plus compliqués, en les ramenant aux phénomènes les plus simples et les plus généraux, n’aurons-nous pas réalisé l’idéal que se proposent les sciences physico-chimiques, dont les théories nous semblent appuyées par des arguments