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ANALYSES.ed. perrier. Le transformisme.

moins condensée. Quoi qu’il en soit, et à condition de considérer des groupes quelque peu étendus, des familles par exemple, on peut trouver là toute une méthode de coordination des phénomènes embryogéniques parallèle à la méthode de coordination des phénomènes morphologiques que nous venons d’exposer ; mais il y a plus que cela : en amenant la formation presque simultanée dans l’espace restreint que limitent les enveloppes de l’œuf, d’organes normalement séparés, l’accélération embryogénique favorise la coalescence de ces organes, celle même des segments ou des ramifications du corps, et devient ainsi un élément de diversification spontanée des organismes.

Tels sont les traits essentiels de la théorie de la formation des organismes que M. Perrier a développée en 1881 dans son livre les Colonies animales. Dans son nouvel ouvrage, cette théorie, modifiée sur certains points de détail, se trouve présentée sous une forme à la fois condensée et didactique qui permet de la saisir facilement dans son ensemble.

Présenté sous cet aspect, le transformisme prend un caractère nouveau, qu’il importe de mettre en lumière. À la suite des travaux de Darwin, chacune des théories émises par les prédécesseurs de l’illustre savant avait déjà pris une signification plus précise et s’était déjà, jusqu’à un certain point, classée à son rang. La théorie de l’unité de plan de Geoffroy, combinée avec la notion des grands groupes zoologiques, tels que l’entendait Cuvier ; le principe de la subordination des caractères, le principe de Lamark relatif à la variation des formes sous l’influence du milieu ; la théorie des zoonites de Moquin-Tandon, la division du travail physiologique exposée par H. Milne Edwards, tout cela cessait de se présenter sous l’aspect de vues de l’esprit pour ainsi dire abstraites et métaphysiques, et prenait une place mieux définie dans la solution du grand problème de la zoologie. La théorie de M. Perrier nous fait faire un pas de plus : elle nous montre l’édification successive des organismes, et analyse le procédé de cette édification. Ces formes, que Darwin nous présente comme plastiques et capables de se modifier sous l’influence de la sélection naturelle, comment se sont-elles modifiées ?

Ces types que Hæckel dispose en série, comment dérivent-ils les uns des autres ? Par suite d’une propriété physiologique générale et nettement définie : l’aptitude des organismes inférieurs à former des bourgeons similaires plus ou moins indépendants et capables de se différencier les uns des autres. La répétition des parties est la conséquence la plus directe du bourgeonnement ; dans ces parties une fois assemblées se manifeste la division du travail physiologique ; les conditions variées dans lesquelles s’effectue leur groupement entraînent l’apparition de types de structure ; dans chacun de ces types, lorsque la division du travail a été poussée assez loin, le nombre des parties se limitent, elles se placent dans un ordre déterminé ; l’unité de plan apparaît et se maintient dans toute l’étendue de groupes nombreux, les Insectes, les Mollusques ou les Vertébrés par exemple.