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C’est là précisément le point capital de la théorie : les phénomènes de reproduction connus sous le nom de génération scissipare, gemmipare, agames, etc., sont ramenés à une simple dissociation de bourgeons plus ou moins semblables entre eux.

Quand cette dissociation n’a pas lieu, quand les bourgeons demeurent unis, on assiste, à mesure qu’on s’éloigne des formes inférieures, à une division du travail physiologique qui se manifeste, de plus en plus accentuée, entre des parties semblables à l’origine ; la constitution morphologique de chacune des parties est ainsi modifiée, si bien que, chacune, se dévouant à un rôle spécial, ne peut plus se passer de toutes les autres : il en résulte une solidarisation de plus en plus complète, qui fait de la colonie primitive un tout aux parties inséparables, un individu dans toute la force du terme.

Ces phénomènes, poursuivis dans toutes leurs conséquences, permettent à M. Perrier d’expliquer la nature morphologique d’un grand nombre d’organismes, et d’établir l’enchaînement qui relie tous les termes d’une même série. Mais ils ne suffiraient pas pour interpréter l’histoire du développement embryogénique d’un grand nombre d’animaux, surtout parmi les plus élevés des divers embranchements. Il faut faire appel à un autre phénomène non moins général, et qui est d’ailleurs une conséquence de ce que l’ontogénie est la reproduction abrégée de la phylogénie : ce phénomène est celui de l’accélération embryogénique. L’œuf tendant à reproduire le plus rapidement possible la colonie tout entière au point maximum de son évolution, les stades par lesquels l’espèce a passé pour arriver à l’état actuel seront franchis plus rapidement, la coalescence des organes sera favorisée, et parfois presque rien dans le développement ainsi raccourci d’un être supérieur ne pourra faire entrevoir directement sa véritable origine.

Pour bien faire comprendre en quoi consiste ce phénomène, il est nécessaire d’avoir présent à l’esprit que le règne animal, d’après M. Perrier, peut être décomposé en un certain nombre de séries dans lesquelles les formes peuvent être ordonnées de manière que leur complication aille en croissant jusqu’à un certain maximum, qui peut être, dans quelques cas, suivi de décroissance. Dans ces séries, les formes s’enchaînent par un procédé morphologique constant dans son mode d’action, s’il est varié dans ses effets. Si l’on vient à comparer le mode de développement embryogénique des termes inférieurs à celui des termes qui s’approchent du maximum ou le dépassent en rétrogradant, le résultat de cette comparaison peut être exprimé en disant que les phénomènes embryogéniques s’accélèrent à mesure qu’on s’élève dans la série, le nombre des parties qui se forment ou se différencient presque simultanément, augmentant ainsi peu à peu. Il est d’ailleurs utile d’observer que cette accélération procède quelquefois d’une manière assez inégale, par soubresauts, pour ainsi dire, et que dans certains genres, rares il est vrai, des espèces voisines ont les unes l’embryogénie presque normale et les autres une embryogénie plus ou