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ANALYSES.ed. perrier. Le transformisme.

En résumé, étant admis que les formes vivantes sont capables de variations lentes et graduelles, que ces variations peuvent être fixées par l’hérédité, Darwin montre aux naturalistes comment les variétés peuvent constituer des races, les races des espèces, comment persistent les seules espèces étroitement adaptées aux conditions d’existence que présente le monde actuel.

La route que doivent suivre les naturalistes et les philosophes pour arriver à la solution des grands problèmes biologiques, est ainsi éclairée, mais leur tâche est loin d’être terminée. Un petit nombre de formes vivantes ont d’abord apparu ; de celles-là sont descendues toutes les autres.

Qu’étaient ces formes primitives ? Quelles sont les transformations qu’elles ont subies pour arriver aux formes actuelles ? Quelles places occupent ces formes sur l’arbre généalogique où se distribue la descendance des formes initiales ? Tracer l’histoire de l’évolution de chacun des êtres vivants, réaliser pour l’ensemble des deux règnes ce que Darwin avait tenté pour l’espèce humaine, surprendre le mécanisme de l’évolution dont on connaissait seulement les causes générales, tels sont les problèmes qui se présentent aujourd’hui à l’étude de tous les naturalistes partisans des idées darwiniennes ; tel a été en particulier le programme que s’est proposé le célèbre professeur de l’université d’Iéna, Ernest Hæckel.

Si les idées de ce savant ont soulevé des polémiques encore plus passionnées que celles de Darwin et suscité contre le transformisme une opposition à laquelle on a voulu rallier tous les esprits qui professent des opinions spiritualistes, il faut bien avouer que la faute en est en grande partie à la vivacité avec laquelle Hackel mettait les résultats de la science au service de ses convictions monistes, ou, ce qui revient à peu près au même, matérialistes. M. Perrier insiste de préférence dans son exposé sur la partie plus franchement zoologique de l’œuvre de Hæckel, et résume le tableau qu’il a proposé pour représenter l’arbre généalogie du règne animal. Le principe sur lequel s’appuie le naturaliste d’Iéna et qu’admettent comme lui tous les transformistes, avait déjà été entrevu par les anciens zoologistes, en particulier par Geoffroy Saint-Hilaire et Serres ; il peut s’énoncer ainsi : « Les formes diverses qu’affecte un animal pendant le cours de son développement reproduisent en abrégé les phases par lesquelles a passé son espèce dans la série des temps ; » ou bien, suivant la formule concise de Hæckel : l’ontogénie est la répétition abrégée de la phylogénie. Partant de là et examinant simultanément les formes inférieures des deux règnes et les premières formes du développement des êtres animés, Hæckel essaye de déterminer la série des ancêtres de tous les animaux connus. Il place au bas de l’échelle des êtres qui pour lui ne sont ni animaux ni végétaux et doivent constituer un règne spécial, le règne des Protistes. Ce sont les monères, les amibes, les infusoires et même les champignons. Dans ce groupe, chaque individu est formé, ou bien d’un seul