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L’AGRANDISSEMENT DES ASTRES À L’HORIZON


La Revue philosophique de novembre 1888 contient une étude fort intéressante de M. Blondel sur l’agrandissement des astres à l’horizon, étude que nous nous félicitons d’avoir provoquée par notre article inséré dans le numéro de juillet. L’idée de M. Blondel de rattacher le jugement d’éloignement plus considérable des astres voisins de l’horizon à un jugement général sur la forme de la « voûte du ciel » nous paraît excellente, et il nous semble l’avoir appuyée de solides raisons. Il n’est peut-être pas, dès lors, sans intérêt de noter que Malebranche avait eu la même idée, mais en ajoutant que, au lieu de s’y attacher, il s’est appliqué, comme on le sait, à montrer les causes pouvant influer d’une façon directe sur la distance apparente des astres. Quoi qu’il en soit, voici un passage assez caractéristique de sa Réponse à M. Régis :

« Lorsqu’on regarde le ciel du milieu d’une campagne, sa voûte ne paraît point parfaitement sphérique, comme b d d[1]. Elle paraît comme un demi-sphéroïde aplati : de sorte que la ligne horizontale AB paraît double ou triple de la perpendiculaire AD. Ainsi, lorsque la lune est en d, elle paraît être en D ; et lorsqu’elle est en b, elle paraît être en B. Or AB est plus grand que AD, il en est double par exemple. Donc, lorsque la lune est dans l’horizon, sa distance apparente est double de celle du méridien[2]… »

Malebranche revient un peu plus loin sur la considération de l’aplatissement de la voûte céleste, à l’occasion d’une objection du P. Taquet : « Pour détruire, dit-il, la distance apparente du soleil couchant, il ne suffit pas de se cacher la campagne par le bord de son chapeau, il faut aussi se faire éclipser le ciel. Mais, apparemment, ce savant homme ne faisait pas attention à la voûte apparente du ciel, qui, comme je viens de dire, paraissant presque plate, doit causer à peu près la même apparence que les terres interposées ».

  1. Les lettres minuscules désignent des points situés sur un demi-cercle, et les mêmes lettres majuscules des points situés à la fois sur les rayons aboutissant aux premiers points et sur un arc de cercle ayant mêmes extrémités que le diamètre. Cet arc de cercle ne répond pas exactement à la suite du texte qui exigerait une courbe telle qu’une demi-ellipse ; mais il est plus satisfaisant que cette dernière courbe, répondant mieux, semble-t-il, à l’apparence. Les points b et B sont très voisins de l’horizon.
  2. M. Blondel ne connaissait certainement pas ce passage, car il attribue à Malebranche la pensée qu’il suffit de cacher les points de repère pour faire disparaître l’effet de grossissement.