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notes et discussions

riable indépendante, et il y a à appliquer des règles précises pour la transformation des dérivées successives qui entrent dans le calcul des vitesses et des accélérations.

La vitesse d’un mobile est, à chaque instant, la résultante de ses vitesses suivant trois axes coordonnés arbitraires. Si l’on passe de la mesure astronomique à la mesure électrique, si l’on substitue à , il faudra multiplier chacune des composantes par la dérivée de par rapport à  ; les composantes variant ainsi proportionnellement entre elles, la direction de leur résultante restera la même.

Si, pour passer d’une accélération composante à sa transformée, il suffisait de même de la multiplier par la dérivée seconde de par rapport à , la direction de l’accélération ne changerait pas plus que celle de la vitesse. Mais M. Vandame croit-il qu’il en soit ainsi ?

Il me suffit de lui poser cette question ; car il n’y a pas de journal de mathématiques où on la laisserait discuter. À plus forte raison, ce n’est pas le cas de le faire dans la Revue.

Non seulement la thèse fondamentale de M. Galinon reste irréfutable, mais elle est la conséquence immédiate d’un véritable lieu commun en mathématiques. Comment n’a-t-elle pas été tirée plus tôt, c’est la seule chose qui peut étonner, et c’est précisément pour cela que cette remarque, très simple au fond, a quelque chose de génial. Mais il faut reconnaître d’un autre côté que, quelle que soit son importance philosophique, au point de vue technique étroit, elle n’apparaît comme susceptible d’aucune application, et c’est là, sans aucun doute, la vraie raison qui l’avait fait négliger.

Il est bien clair en effet que, quand même on reconnaîtrait dans l’avenir la nécessité ou la convenance d’admettre l’une des formules (1) ou (2) ci-dessus, les lois de la mécanique n’en seront pas ébranlées pour cela. M. Galinon a démontré que l’énoncé du principe de la loi d’action et de réaction suppose le choix d’une mesure du temps satisfaisant à certaines conditions ; actuellement on regarde la mesure astronomique comme remplissant ces conditions ; il est possible que plus tard on reconnaisse que cela n’est pas rigoureusement vrai, et qu’on prouve que les vérifications expérimentales de la loi en question sont plutôt d’accord avec la mesure électrique. Cela n’ira pas plus loin ; si on n’a jamais à faire ce choix, il sera certainement plus délicat que celui qu’ont fait nos ancêtres entre le jour solaire moyen et le jour solaire vrai, mais la question sera au fond du même ordre. Nous choisirons toujours, pour le mouvement à considérer comme uniforme, celui dont l’adoption apportera le plus de simplicité dans l’énoncé des lois de la nature, mais jamais nous n’atteindrons à une mesure absolue du temps.

Veuillez agréer, etc.
Paul Tannery.