Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVI, 1888.djvu/59

Cette page n’a pas encore été corrigée


L’AGRANDINSEMENT DES ASTREN À L’HORIZON


La grosseur apparente des astres à l’horizon a été remarquée de tout temps et a naturellement donné lieu à diverses théories ; elle a notamment soulevé, au xviie siècle, une grande controverse entre Malebranche et Régis, controverse à la suite de laquelle la théorie du premier a prévalu, jusqu’à ces derniers temps, d’une façon à peu près générale, sous réserve de quelques considérations que n’avait pas présentées Malebranche, mais qui rentrent bien dans l’ordre d’idées où il s’était placé. Dans ces dernières années cependant, il s’est produit, à l’Académie de Belgique, une opposition très marquée contre la théorie classique, et M. Stroobant a présenté à cette Académie deux mémoires où il soutient une théorie nouvelle, appuyée sur des observations de psychologie physiologique très intéressantes en elles-mêmes.

Mais, avant les travaux de M. Stroobant, M. Houzeau avait déjà critiqué les idées courantes sur ce sujet, dans un discours sur certains phénomènes énigmatiques de l’astronomie[1]. Les objections qu’il a ainsi présentées ayant été reprises par M. Stroobant et leur discussion permettant de préciser certains détails des anciennes théories, nous ne croyons pas inutile de nous y arrêter quelques instants. Il ne sera d’ailleurs pas superflu de consulter les textes originaux sur la matière, car ils nous montreront combien certaines critiques sont dépourvues de fondement.

Malebranche, étudiant, dans le 9e chapitre de la 1re partie de la Recherche de la Vérité, les moyens que nous avons de juger de la distance des objets, indique comme le principal de ces moyens la vue d’objets se trouvant entre nous et l’objet considéré ; appliquant cette idée générale à la lune, il s’exprime ainsi : « Lorsqu’elle se lève, elle nous paraît éloignée de plusieurs lieues et même au delà de l’horizon sensible ou des terres qui terminent notre vue, au lieu que nous ne la jugeons qu’environ à une demi-lieue de nous ou sept ou huit fois plus élevée que nos maisons lorsqu’elle est montée sur notre horizon. Ainsi nous la jugeons beaucoup plus grande quand elle est proche de l’horizon que lorsqu’elle en est fort éloignée, parce que nous la jugeons beaucoup plus éloignée de nous lorsqu’elle se lève que lorsqu’elle est fort haute sur notre horizon. » De cette théorie on peut rapprocher

  1. Bulletins de l’Académie de Belgique, année 1818, tome XLVI, p. 951.