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trouvait modifiée, la simultanéité restant la même, la mécanique subsisterait telle quelle : voilà donc bien un élément du temps qui n’intervient pas en mécanique.

IV. Une seconde notion fondamentale de la mécanique est celle de la force or, lorsqu’on laisse de côté toute espèce de métaphysique, pour s’en tenir aux seuls éléments dont la mécanique ait besoin, la force se ramène, en dernière analyse, à un produit de deux facteurs : l’un de ces facteurs est une grandeur géométrique, l’accélération, liée comme la vitesse à la forme de la trajectoire et à la durée ; l’autre facteur est la masse du mobile, laquelle masse est un nombre constant spécial à ce mobile[1]. Donc la force, produit d’une grandeur géométrique par un nombre, n’est pas plus que le temps une notion nouvelle.

En résumé, les mathématiques pures peuvent être constituées dans leur ensemble à l’aide de la seule notion de la forme, laquelle contient implicitement les idées de nombre, de temps et de force, le temps et la force étant, bien entendu, réduits à ce qui est strictement nécessaire au point de vue de la mécanique.

Terminons par une dernière remarque destinée à préciser l’exacte portée de cette discussion : le point de vue que nous venons d’exposer nous amène à déduire l’arithmétique de la géométrie, mais cet ordre n’a rien de nécessaire, car il est évident que, si la notion même de la forme nous faisait défaut, la science des nombres, par exemple, se serait néanmoins constituée.

Toutefois, l’ordre que nous proposons est aussi légitime que l’ordre suivi jusqu’ici et il a l’avantage de ramener à une seule notion des notions premières considérées comme essentiellement distinctes.

Grâce à ce nouveau point de vue, la science mathématique, dans son ensemble, est une à la fois quant à sa méthode, qui est le raisonnement pur, et quant à son objet, qui est l’étude de la forme : nous n’avons plus devant nous qu’une géométrie générale.

A. Calinon.

  1. Voir à ce sujet notre étude déjà citée, le Temps et la Force.