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PHILOSOPHES FRANÇAIS CONTEMPORAINS

J.-M. GUYAU

(Fin[1].)

IV. — L’expansion de la vie sociale, comme principe de la religion.

Bien des définitions différentes ont été données de la religion. Les unes sont empruntées surtout au point de vue physique, les autres au point de vue métaphysique ; elles ne le sont presque jamais au côté social. Et pourtant, dit Guyau, l’idée d’un lien de société entre l’homme et des puissances supérieures, mais plus ou moins semblables à lui, est précisément ce qui fait l’unité de toutes les conceptions religieuses. L’homme devient vraiment religieux quand il superpose à la société humaine où il vit une autre société plus puissante et plus élevée : « La sociabilité, dont on a fait un des traits du caractère humain, s’élargit alors et va jusqu’aux étoiles. » Guyau définit l’être religieux : « un être sociable non seulement avec tous les vivants que nous fait connaître l’expérience, mais avec des êtres de pensée dont il peuple le monde. » L’expansion de la vie et surtout de la vie sociale est la véritable origine de la religion, comme de la morale et de l’art.

La grande originalité du livre, c’est cette introduction du point de vue sociologique dans l’étude des religions. Où M. Renouvier, où M. Franck (tout en appelant l’ouvrage un monument) voient un « vice radical », nous voyons pour notre part un mérite scientifique. Jusqu’à présent, en effet, on avait considéré la religion comme un simple résultat de l’intelligence et de l’imagination individuelles ; on en avait placé l’origine soit dans le besoin d’expliquer les phénomènes du monde et le monde lui-même (l’époque théologique d’Auguste Comte), soit dans l’idée et le sentiment du divin, de l’absolu (Schleiermacher, Lotze, Max Müller, etc.). Sans rejeter la part de vérité que ces théo-

  1. Voir le numéro précédent de la Revue.