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CALINON.les notions premières en mathématiques

tien ; il y a simultanéité dans le départ et simultanéité dans l’arrivée ; quant à la durée commune des deux parcours, on la trouvera toujours la même pour les deux courriers quelle que soit la marche du chronomètre qui servira à mesurer cette durée : cet exemple montre nettement que le fait de la simultanéité est bien distinct de la durée mesurable. Voyons maintenant en quoi consiste cette durée mesurable.

Les grandeurs géométriques qui se présentent dans les phénomènes de mouvement varient toutes simultanément, ainsi que nous l’avons fait remarquer, de sorte qu’on peut les faire toutes dépendre d’une seule d’entre elles prise comme terme de comparaison ; c’est cette dernière grandeur, convenablement choisie, qui nous servira à mesurer le temps, cela par définition. Cette grandeur est, comme on sait, l’angle de rotation de la terre et ce choix est justifié par des raisons d’ordre purement mathématique ; c’est ainsi notamment que la loi dite de l’action et de la réaction n’est vraie qu’avec ce choix particulier, ce qui suffirait à le caractériser[1]. En résumé, le temps, dans ce qu’il a d’essentiel pour l’établissement de la mécanique pure, n’exige l’introduction d’aucune idée nouvelle d’une part en effet, le temps tient tous les mouvements et les grandeurs géométriques qui s’y rattachent dans une dépendance mutuelle qui peut se ramener à des équations algébriques ; d’autre part, la mesure du temps se confond avec la mesure d’une de ces grandeurs géométriques.

Pour ne laisser planer aucun doute sur cette question, nous allons parler d’un troisième élément du temps, l’ordre de succession, et montrer que cet élément n’intervient pas en mécanique.

Soit un point animé d’un mouvement uniforme, c’est-à-dire décrivant un arc proportionnel à la durée ou, ce qui revient au même, à l’angle de la rotation terrestre : prenons un second mobile animé d’un mouvement quelconque ; considérons ces deux mobiles en des positions premières simultanées ; au bout d’un instant, ces mobiles ont pris de nouvelles positions également simultanées entre elles, et le rapport des chemins parcourus entre les premières positions et les secondes est, comme on sait, la vitesse du second mobile ; or, il est évident que si, la correspondance des positions telle qu’elle résulte de la simultanéité restant la même, l’ordre de succession était inversé, le rapport en question, c’est-à-dire la vitesse, aurait encore la même valeur. Cette remarque s’étend sans difficulté à toutes les grandeurs de la mécanique.

Il suit de là que, si notre appréciation de l’ordre chronologique se

  1. Voir à ce sujet notre article le Temps et la Force, publié dans cette Revue, mars 1887.