Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVI, 1888.djvu/569

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
559
BALBIANI.de la génération et de l’hérédité

nent pas de l’œuf, mais de cellules somatiques, par exemple d’un tissu épithéllial, comme chez les Hydraires et les Vertébrés. De plus, Strasburger a avancé une seconde objection, très sérieuse, contre l’hypothèse de la continuité du plasma germinatif. Il y a un grand nombre d’organismes vivants chez lesquels une cellule d’un tissu quelconque est capable de reproduire l’être tout entier. On sait qu’un petit fragment de feuille de Begonia placé sur de la terre humide peut donner lieu à une plante entière. Cette cellule, qui est cependant une cellule corporelle, contient donc du plasma germinatif. Dès lors, que devient la distinction des cellules de l’embryon en cellules sexuelles et somatiques ?

Weismann a construit une théorie compliquée qui satisfait à ces diverses objections[1]. Il place le plasma germinatif dans le noyau des cellules mâles et femelles, et le plasma germinatif mixte dans le premier noyau de segmentation. Il admet en outre que, lorsque l’œuf fécondé se segmente, ce plasma germinatif se transforme, et chaque catégorie particulière de cellules qui se forme contient un plasma spécial dérivant du plasma primitif ; au moment où l’embryon est formé, il contient autant de plasmas spéciaux qu’il existe de catégories de cellules. Ainsi, le noyau des cellules musculaires contient un idioplasma musculaire, et il en est de même pour les cellules nerveuses, sécrétoires, et toutes les autres espèces de cellules. De plus, lors de la division du noyau de segmentation, « quelques groupes moléculaires » du plasma germinatif restent non modifiés et mêlés à l’idioplasma particulier de cellules somatiques, ou plutôt de certaines séries de cellules somatiques, car toutes ne sont pas capables d’engendrer l’organisme entier. Les cellules sexuelles diffèrent donc des cellules somatiques principalement en ce qu’elles renferment une plus grande proportion de plasma germinatif.

Les vues de Weismann diffèrent donc de celles de Nussbaum, qui admettait la continuité du plasma germinatif en le faisant passer d’un œuf à un autre œuf. Suivant Weismann, cette continuité serait interrompue par la formation des cellules somatiques, mais rétablie par la petite quantité de substance germinative contenue dans les cellules somatiques.

L’ingénieuse théorie de Weismann n’a pas été acceptée par tous les embryologistes ; quelques-uns, comme Kölliker, la jugent très sévèrement. L’avenir seul, avec les découvertes nouvelles qu’il nous apportera, permettra de déterminer sa véritable valeur.

E.-G. Balbiani.

  1. Ueber die Vererbung, 1883. — Die Continuität des Keimplasma’s als Grundlage einer Theorie der Vererbung, 1885.