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aux plastidules filles ; ces mouvements sont conservés par la mémoire des plastidules filles, qui acquièrent ainsi les mêmes propriétés que leurs ascendants. Haeckel n’admet une transmission immédiate de particules matérielles qu’entre l’individu engendreur et l’individu engendré. En somme la théorie de la périgenèse de Haeckel se base sur la transmission des forces considérée déjà par Aristote comme la cause efficiente du développement individuel.

Nous allons trouver dans les théories des auteurs modernes, théories fondées sur l’embryogénie, des explications beaucoup plus satisfaisantes.

On sait aujourd’hui que la matière transmise par les parents à leurs descendants dans l’acte de la fécondation constitue l’unique agent de toutes les propriétés héréditaires. Cet agent, qui est une substance matérielle, porte les différents noms d’idioplasma et de plasma germinatif. Il a pour siège, d’abord les deux pronucleus mâle et femelle, et ensuite, le premier noyau de segmentation, qui résulte de la fusion des deux pronucleus. En raison du siège de l’idioplasma dans les cellules sexuelles, quelques embryogénistes ont été amenés à faire une distinction tranchée entre les cellules sexuelles et les cellules somatiques. On a vu, en effet, que, dans le développement de l’embryon, il se forme parfois de très bonne heure une séparation entre ces deux catégories de cellules. Le développement des Diptères en fournit un exemple des plus remarquables. On peut donc dire, en se fondant sur ces faits, que la substance germinative d’une génération se transmet directement à la génération subséquente ; il y a donc continuité dans la transmission de cette substance germinative. L’espèce elle-même, qui est représentée par les éléments sexuels, est immortelle, tandis que les individus, qui sont représentés par les cellules somatiques, sont périssables. On se rappelle à ce sujet la belle image dont se sert Nussbaum : il compare l’espèce à une souche vivace, et les individus aux feuilles annuelles que porte cette souche. Nussbaum conclut donc des faits précédents que la substance germinative se transmet directement d’un ceuf à un autre œuf ; il y a continuité dans les éléments sexuels.

Cette conclusion n’est admissible cependant que pour un petit nombre d’espèces, telles que les Diptères, chez lesquels les cellules sexuelles se forment dès le début du développement de l’œuf ; pour ce groupe d’animaux, il est exact de dire que la substance germinative se transmet d’un œuf à un autre œuf ; mais Nussbaum a eu le tort de trop généraliser. Weismann n’a pas eu de peine à montrer ce que cette façon de concevoir la continuité du plasma germinatif a d’erroné. Dans la plupart des cas, les cellules sexuelles ne provien-