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BALBIANI.de la génération et de l’hérédité

nymphes que les anciens mettaient aux fontaines pour faire écouler les eaux et aux dryades qu’ils plaçaient dans les chênes pour les faire croître.

4o Théories des mouvements transmis. C’est la théorie d’Aristote. D’après l’illustre philosophe, dans la génération, la femelle ne donne que la matière, le mâle donne la forme et le mouvement. La semence du mâle, dit-il, en accumulant les comparaisons, est au flux menstruel (qu’il prenait pour la semence femelle) ce que le menuisier est au bois qu’il travaille, le potier à l’argile qu’il façonne, l’architecte au bâtiment qu’il construit. Ailleurs il compare l’action du mâle sur la femelle à une fermentation. Le mâle, ajoute-t-il encore, est l’agent ; la femelle est le patient.

Un autre représentant de cette théorie dynamique est Harvey, qui compare l’action de l’élément mâle sur l’élément femelle à l’action d’un aimant. L’idée d’une action à distance lui était venue parce qu’en ouvrant des biches après l’accouplement, il n’avait pas trouvé de semence dans la matrice ; il avait donc été amené à supposer que c’était par une action à distance que la liqueur séminale agissait sur la semence femelle.

Comme dernière tentative dans ce sens, nous trouvons l’hypothèse de Haeckel sur la Périgenèse des plastidules (1876). Haeckel appelle plastidules les molécules de protoplasma. Périgenèse des plastidules désigne une création de mouvements ondulatoires par les plastidules. Pour essayer de faire comprendre cette théorie nuageuse, il faudrait exposer les nombreuses propriétés attribuées par Haeckel aux plastidules, aux molécules organiques. Elles ont toutes les propriétés de la matière brute, elles ont en outre les propriétés spéciales de la matière vivante, et particulièrement une mémoire. Cette idée est empruntée par Haeckel au physiologiste Ewald Hering, qui a écrit en 1870 un opuscule sur la mémoire organique. Mais l’idée d’une mémoire organique remonte plus loin encore : on la trouve en germe dans le traité de Maupertuis sur la Vénus physique (1744). Maupertuis attribuait aux molécules organiques la faculté de se grouper pour former les divers organes de l’embryon par attraction élective ou par une sorte d’instinct ou de souvenir des parties du corps dont elles étaient issues. Les plastidules de Haeckel ne sont pas la même chose que les gemmules de Darwin, ce ne sont pas des groupes moléculaires, de petites cellules pouvant croître, se nourrir, se multiplier : ce sont des molécules simples ; elles restent fixes, elles ne transmettent rien de leur propre substance aux descendants, mais seulement des mouvements ondulatoires d’une nature spéciale. Les plastidules des organes paternels et maternels transmettent leurs mouvements