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Darwin a seulement modernisé les idées de Buffon en prenant pour fondement de son hypothèse la théorie cellulaire. Mais il ajoute à cette théorie cellulaire la supposition de gemmules, corps qu’on n’a jamais aperçus au microscope ; de plus, on ne comprend pas comment ces gemmules peuvent se grouper pour donner naissance à d’autres organismes. Darwin ne s’est du reste pas fait illusion sur le sort de son hypothèse ; c’est une hypothèse provisoire, dit-il, et Naegeli remarque avec esprit qu’une hypothèse provisoire est une hypothèse à la seconde puissance.

On voit que toutes les théories précédentes sont des petites-filles de celle d’Hippocrate ; les mots seuls ont changé.

2o Théories génésiques de la préformation. On a admis autrefois que le nouvel être existait tout formé dans l’œuf, et que les générations successives étaient emboîtées l’une dans l’autre depuis le premier ascendant jusqu’aux descendants les plus reculés. L’embryon préformé possédait tous ses organes et n’avait plus qu’à grossir. Les uns admettaient que l’emboitement avait lieu dans l’œuf, les autres admettaient qu’il avait lieu dans le spermatozoïde. Inutile de nous arrêter sur ces théories, qui sont démenties catégoriquement par les faits d’observation.

3o Théories des forces plastiques. Les anciens philosophes admettaient volontiers des forces motrices pour expliquer le principe de la vie. Ces forces pénétraient la matière, mais en étaient distinctes. De cette idée sont nés le Naturisme d’Hippocrate, l’Animisme d’Aristote et Platon, les Archées de Van Helmont, le Vitalisme de l’ancienne école de Montpellier. Appliquant ces théories à la génération, on cherchait à expliquer par des forces particulières, plastiques, placées en dehors de la matière, la formation du nouvel être. D’après Stahl, c’était l’âme qui façonnait le nouvel être, tantôt d’après le plan paternel, tantôt d’après le plan maternel. À ces mêmes idées se rattache Maupertuis, auteur du Traité de la Vénus physique. Il compare la formation de l’individu à une cristallisation qui se fait dans le mélange des deux liqueurs séminales ; les molécules de la liqueur se grouperaient suivant leurs affinités pour former les différents organes de l’embryon. Blumenbach, pour expliquer ce même phénomène, invoquait le nisus formativus, mots imposants, mais vides de sens. Caspar Friederich Wolff lui-même, qui a fait faire un pas si décisif à l’embryologie par sa théorie de l’épigenèse (1759), se laissait aussi duper par des mots, et admettait dans l’embryon une force essentielle, vis essentialis, que les particules formées exerçaient sur des particules nouvelles.

Le physiologiste Rodolpe Wagner comparait ingénieusement les forces plastiques des philosophes et naturalistes d’autrefois, aux