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BALBIANI.de la génération et de l’hérédité

des pères estropiés puissent engendrer des enfants qui ont tous leurs membres, car dans ce cas la semence ne peut provenir des membres perdus par le générateur. Il objecte encore qu’un enfant peut ressembler non seulement à son père, mais à son grand-père. Enfin, il termine par un argument tout à fait ridicule : c’est qu’il y a des enfants qui ressemblent à leurs parents par la voix, par les ongles, par les poils, et que ce sont là des choses mortes, qui ne peuvent pas envoyer de semence.

En 1748, Buffon imagina une théorie de l’hérédité, la théorie des molécules organiques, qui ressemble beaucoup à celle d’Hippocrate. Buffon avait une conception assez bizarre de la matière vivante, il admettait que chaque individu est un moule intérieur dans lequel les molécules organiques pénètrent par la nutrition. Ces molécules ne sont pas toutes employées à la nutrition et à l’accroissement : celles qui sont surabondantes sont envoyées dans les organes génitaux, où elles forment les particules mouvantes de la génération. Les molécules de la liqueur séminale ne sont pas identiques entre elles, puisqu’elles proviennent de parties différentes du corps ; pendant la fécondation, les molécules qui viennent des mêmes organes du père et de la mère se réunissent entre elles pour former l’embryon à l’image de ses parents. Les molécules sexuelles, provenant de l’appareil générateur, servent seules à donner à l’enfant un sexe. Cette théorie est très obscure, et on ne comprend pas comment se fait le groupement des particules organiques. Les idées de Buffon furent attaquées, de son vivant, par Spallanzani et Bonnet.

La théorie des germes-cellules de Richard Owen, en 1849, est une nouvelle forme donnée aux mêmes idées. Nous ne nous y arrêterons pas, pour arriver tout de suite à Darwin, à qui l’on doit la plus célébre des théories extractionnistes. Dat win a exposé ses idées dans son livre sur la Variation des animaux et des plantes (t.  II, p. 498). Il suppose que les cellules de tous les tissus de l’organisme émettent de petits germes ou gemmules qui circulent librement dans tout le système, et se multiplient par division. Ces gemmules sont transmises par les parents à leurs descendants, pendant la génération ; elles peuvent rester à l’état dormant pendant plusieurs générations, ce qui explique l’atavisme. Les gemmules sont émises par chaque cellule ou unité de l’organisme, non seulement à l’état adulte, mais à chaque phase de développement ; cette hypothèse est nécessaire pour expliquer comment l’embryon reproduit le développement de ses parents, comment l’ontogénie est une reproduction raccourcie de la phylogénie. Telle est la théorie de Darwin, connue sous le nom de théorie de la pangenèse. Elle ressemble beaucoup à celle de Buffon.