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des variétés et des races ; il n’a pas davantage à se préoccuper des rapports entre l’hérédité et la théorie de l’évolution.

Toute théorie rationnelle de l’hérédité doit être fondée sur l’embryogénie et se conformer à ses progrès. L’expérience le démontre : en effet, on peut distinguer dans l’historique de cette question deux périodes, dont la première va jusqu’en 1875, et précède les travaux modernes sur la fécondation de l’œuf ; cette première période est caractérisée par des vues conjecturales. La seconde, qui a pour point de départ cette année 1875, a vu naître des théories plus scientifiques, reposant sur des observations directes.

Les hypothèses anciennes sur l’hérédité étaient déjà si nombreuses au xviie siècle qu’un auteur de cette époque, Drelincourt, en comptait 262 ; elles étaient toutes fausses, à son avis ; il en imagina une nouvelle, ce qui fit dire à Blumenhach qu’il avait porté le nombre des théories fausses à 263. On peut rapporter à quatre groupes principaux les opinions émises sur la génération à différentes époques :

1o Théories de l’extraction. Ces théories ont ce caractère commun de chercher la cause qui donne à chaque être sa forme particulière, dans l’origine de la matière qui sert à former cet être. On suppose que toutes les parties de l’organisme envoient aux organes de la génération des particules qui représentent en quelque sorte les parties qui les ont émises ; ces particules, en se réunissant, forment l’embryon, qui ressemble à ses générateurs comme une miniature. Cette théorie est une des plus anciennes que nous connaissions ; elle a été soutenue par Hippocrate dans son traité de Genitura. Il admettait une liqueur séminale mâle et une liqueur séminale femelle, comme le faisaient avant lui Pythagore, Épicure et Démocrite. Il supposait que cette liqueur séminale dérivait de toutes les parties du corps pour se rassembler dans les organes de la génération. Dans son traité des Airs, des Eaux et des Lieux, à propos des Scythes à longue tête, il dit que cette forme de la tête, d’abord produite artificiellement, est devenue héréditaire ; il tranche ainsi une question qu’aujourd’hui on discute encore, à savoir si les propriétés acquises se transmettent héréditairement. Pour expliquer la transmission des longues têtes, il invoque sa théorie de la semence qui afflue de toutes les parties du corps. Cette explication d’Hippocrate a été critiquée par Aristote, dans son traité de la Génération des animaux, livre I ; mais, selon son habitude, Aristote ne nomme pas Hippocrate. Sa critique est souvent plus vive et mordante que sérieuse, comme lorsqu’il demande si la semence ne pourrait pas provenir aussi des chaussures du père ; c’est une plaisanterie ; il ajoute un argument plus solide : comment se fait-il que