Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVI, 1888.djvu/563

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
553
BALBIANI.de la génération et de l’hérédité

Ces phénomènes ont encore un sens puis profond, « qui doit être cherché dans la tendance de la nature à produire et à conserver sans cesse de nouvelles variétés individuelles. La génération sexuelle apparaît dès lors comme destinée à produire une richesse sans cesse renouvelée de formes différentes ».

Ainsi qu’on a pu en juger, la théorie de Weismann sur les globules polaires est très ingénieuse ; mais elle est sujette à plusieurs critiques. Si l’idée de représenter dans le premier globule polaire un élément ovogène était exacte, l’œuf devrait cesser de s’accroître au moment précis où ce premier globule polaire est expulsé : cependant, il existe des cas où l’œuf continue à s’additionner de parties ovogènes. Ainsi, chez les Échinodermes, où il se produit deux globules polaires, dès qu’un premier zoosperme a pénétré dans le vitellus, le vitellus s’entoure d’une nouvelle membrane destinée à protéger l’œuf contre les autres zoospermes ; cette membrane se forme après que le premier globule polaire est déjà expulsé. Chez l’Ascaris megalocephala, les premières couches périvitellines se séparent du vitellus après la sortie du premier globule polaire, et d’autres couches se forment au moment où le deuxième globule se produit. Ces faits semblent démontrer que la substance qui préside à l’accroissement de l’œuf, en tant qu’œuf, n’est pas expulsée avec le premier globule polaire.

D’ailleurs, l’opposition physiologique que Weismann établit entre l’élément ovogène et l’élément germinatif n’est pas aussi tranchée qu’il le dit. Un élément germinatif pur peut provoquer des phénomènes ovogènes, des phénomènes d’accroissement dans un tissu. Clarke a observé que, chez une tortue américaine, le Chrysemis picta, des accouplements répétés pendant plusieurs années sont nécessaires pour amener la maturité de l’œuf. Chez certaines Orchidées, d’après Hildebrand, la première action du pollen sur l’ovaire est de provoquer la formation des ovules. Tous ces faits ne militent pas en faveur des idées de Weismann sur la signification du premier globule polaire.

VII

Il nous reste à résumer sommairement les théories modernes de l’hérédité. Nous nous plaçons ici à un point de vue exclusivement embryologique. L’embryologiste doit se préoccuper de la cause intime, mécanique, de l’hérédité ; il laisse de côté les phénomènes morphologiques par lesquels on cherche à expliquer la formation