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BALBIANI.de la génération et de l’hérédité

On est arrivé aujourd’hui à cette idée que si chaque espèce vivante se distingue des autres espèces par une foule de propriétés particulières, cela tient à ce que chaque espèce possède une substance matérielle qui lui est propre. Cette substance a reçu le nom d’idioplasma. Le terme idioplasma a été inventé par Nægeli, l’éminent botaniste de Munich, qui avait imaginé une théorie très complète pour expliquer les propriétés particulières de chaque espèce et de chaque individu. Nægeli faisait de l’idioplasma un réseau qui était répandu dans tout l’organisme de l’individu, traversant ses cellules et ses noyaux, et variant suivant la catégorie des tissus qu’il traversait. Cette théorie mécanico-physiologique, qui date de 1884[1], est extrêmement ingénieuse comme conception idéale, mais on lui a reconnu un grand défaut, celui de ne pas se fonder sur des faits suffisamment précis. Les auteurs n’ont guère conservé de la théorie de Nægeli que le mot d’idioplasma et l’idée que chaque être possède une substance formatrice qui lui est propre et qui le distingue des autres individus. Mais ils ont singulièrement modifié la conception que Nægeli se faisait du siège et des propriétés de son idioplasma. Avec Osc. Hertwig, Strasburger, Kölliker, on admet généralement aujourd’hui que le siège de cette substance est le premier noyau de segmentation, résultant de la fusion du pronucleus mâle et du pronucleus femelle[2] ; or, comme tous les noyaux de l’organisme proviennent de ce premier noyau, il en résulte que l’idioplasma est répandu dans toutes les parties du corps.

Weismann, qui s’est beaucoup occupé de ces questions théoriques, a un peu changé le sens du mot. La substance logée dans le premier noyau de l’embryon, dans l’ovule fécondé, a reçu de lui le nom de plasma germinatif (Keimplasma) ; ce plasma contient en virtualité tout l’organisme. Il appelle au contraire idioplasma le plasma qui réside dans chaque tissu et fait que ce tissu est tel ou tel musculaire, nerveux, épithélial, etc. Cet idioplasma a son siège dans le noyau cellulaire. Il en résulte que tous les idioplasmas particuliers des divers tissus sont, à un certain moment, avant le développement de l’embryon, renfermés dans le plasma germinatif.

Weismann s’est fait des idées particulières sur la signification des globules polaires ; ces idées sont en connexion avec ses théories sur l’hérédité. Il distingue tout d’abord les espèces animales suivant lesquelles il se forme un ou deux globules polaires. Les œufs qui,

  1. Mechanisch-physiologische Theorie der Abstammungslehre, 1884.
  2. Ou de la simple coexistence des deux pronucleus dans l’ouf, si l’on adopte les idées de Ed. van Beneden sur la fécondation.