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lorsque les deux éléments se fusionnent, l’un d’eux, le plus affamé, le mâle, fait de l’autre sa nourriture, il se l’assimile[1]. D’après Rolph, la fécondation serait un phénomène opposé à la reproduction, car, loin d’augmenter le nombre des individus, elle le diminue. Il semble que Rolph s’est laissé prendre à une comparaison plutôt littéraire que scientifique. D’ailleurs, les expériences de Pfeffer dont nous avons rendu compte dans cette Revue (déc. 1887) montrent, chez les végétaux du moins, que ce sont de simples attractions chimiques qui s’exercent entre les spermatozoïdes et les œufs.

Tous les grands phénomènes physiologiques que nous présentent les animaux supérieurs, nutrition, reproduction, n’étant que des propriétés de la matière vivante, héritées des animaux plus simples, le point de départ et l’explication de ces phénomènes doivent être cherchés dans l’étude des micro-organismes. On sait que le règne animal est divisé en deux sous-règnes, les protozoaires et les métazoaires, ou, suivant la terminologie de Gœtte, les monoplastides et les polyplastides. Les monoplastides pouvant être considérés comme les ancêtres des polyplastides, on doit trouver dans les cellules de ces derniers les mêmes propriétés que dans une cellule unique de monoplastide. Ainsi, de même que tous les protozoaires ont la propriété de se multiplier par division, de même, chez les métazoaires, toutes les cellules des différents tissus se multiplient par division. Quant à la fécondation, qui, chez les métazoaires, se produit dans des cellules spéciales, dites cellules sexuelles, elle a son analogue chez les protozoaires, dont le corps tout entier représente une cellule sexuelle, comme il représente une cellule musculaire, une cellule nerveuse, etc. ; et l’acte si complexe de la fécondation se présente chez les protozoaires sous la forme plus simple d’une conjugaison.

La conjugaison consiste dans la fusion de deux ou plusieurs individus en une masse unique. C’est ce qui se produit par exemple chez le Monas amyli ou Bodo angustatus ; plusieurs monas se réunissent, fusionnent leur substance, et forment une masse unique, qui s’enkyste et commence ensuite à se diviser. Le même phénomène se produit chez les Hæmatococcus ; cet organisme se divise sous son enveloppe en un certain nombre de zoospores, qui sont mises en liberté ; puis deux de ces zoospores se rencontrent et se fusionnent ; les deux zoospores sont souvent de même taille, quelquefois de taille différente, ce qui est un premier degré de différenciation sexuelle. De même, le Polytoma uvella, flagellé commun dans les eaux croupies,

  1. Biologische Probleme, 2e édit. 1884, pp. 136 et 148.