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LES NOTIONS PREMIÈRES EN MATHÉMATIQUES


On désigne généralement sous le nom de notions premières, en mathématiques pures, les idées de nombre, de forme, de temps et de force : ces idées sont considérées comme distinctes, comme irréductibles à une seule d’entre elles ; on ne conçoit pas la possibilité de passer de l’arithmétique à la géométrie sans l’idée de forme, ni de la géométrie à la mécanique sans l’idée de temps, de sorte que les mathématiques, science unique quant à leur méthode, semblent se subdiviser dès qu’on envisage les notions qui leur servent de bases.

Ce qui frappe tout d’abord, c’est que ces diverses notions ont dû certainement se présenter à l’esprit de l’homme indépendamment les unes des autres, cela avant toute culture scientifique, et que la science paraît les avoir toujours considérées comme des idées acquises sans en discuter l’origine : mais il est évident que la science, une fois constituée, a le droit de reviser son point de départ et l’ordre de son développement historique, en se plaçant au seul point de vue de la logique pure.

C’est cette révision que nous allons essayer de faire pour les notions dont il s’agit.

I. Prenons d’abord l’idée de nombre ; comment cette idée s’est-elle formée dans l’esprit de l’homme ? C’est là une histoire qu’il paraît très facile de reconstituer : des groupes d’objets identiques ou supposés tels, comme des arbres, des étoiles, etc., furent comparés à des groupes d’objets bien déterminés, les doigts de la main par exemple, et les noms donnés aux groupes de doigts servirent à compter les objets ; au lieu de groupes de doigts on adopta aussi des groupes de cailloux (calculus, calcul) ; dans ces deux cas, les noms des groupes furent des nombres concrets ; peu à peu l’idée de doigts ou de cailloux n’étant pas essentielle disparut de l’idée de nombre et l’on eut alors les nombres abstraits, c’est-à-dire les noms des diverses pluralités, quelle que soit la nature des objets composant ces pluralités.