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ANALYSES.e. pellis. La philosophie de la mécanique.

rectilignes ou curvilignes, procurer à la longue des déplacements illimités ou n’en pas produire de pareils, mais aussitôt devenus définitifs ils ne fourniront plus de chaleur, n’alimenteront plus la vie… Lorsque les températures de l’univers se seront fondues en une température unique, la notion de température disparaîtra. Lorsque les diverses vitesses des masses se seront uniformisées, si ce dernier cas doit se produire, la notion de mouvement disparaîtra[1]. »

Tout est contingent dans les faits, irrationnel, temporaire ; rien ne s’explique par soi-même. Le monde a nécessairement commencé, il doit inévitablement finir, il faut en chercher la cause hors de lui si l’on veut arriver à l’entendre telle est la conclusion du strict déterminisme où se confine la science ; nous y trouvons ces deux choses contradictoires, la dispersion des matières et leur tendance à s’attirer. Ainsi la marche des événements défait quelque chose de préexistant établi sur un plan contraire au but qu’ils poursuivent. L’objet de la science est une série dont le déroulement se produit sous nos yeux ; on ne saurait y faire rentrer l’origine de cette série, laquelle ne peut donc ni s’expliquer elle-même ni s’affirmer comme un tout complet. La science est ainsi chose incomplète, il y a contradiction entre ses lois et la permanence de son objet. L’esprit humain, voyant une cause à tout ce qui est limité, en cherche une à l’équivalent dynamique du déploiement des mondes, comme à la qualité purement arbitraire de nos sensations sous l’influence de ce déploiement. On ne saurait conclure logiquement ni de la série à la loi ni de la loi constatée au législateur. Ici, comme dans la pratique de la vie, il ne peut être question que de choisir entre des hypothèses plus ou moins probables. Celles qui, pour échapper à l’évocation d’un grand Inconnu, combinent une reconstitution indéfinie du travail dépensé sous la forme de reconcentration du calorique ou de redistribution universelle, celles qui font du soleil un grand ventilateur à rotation, dont ils prétendent extraire indéfiniment du travail, des combinaisons chimiques et de la chaleur sans en ralentir le mouvement, en condenser les matières, en abaisser la température ni en diminuer les affinités chimiques, l’auteur les range assez cavalièrement sous la rubrique des platitudes et semble insinuer que les maîtres de la philosophie mécaniste ignorent les éléments de la mécanique.

Pour obscur que soit aujourd’hui leur adversaire, ceux-ci, sachant que le dédain passe pour défaite, n’en voudront pas rester sur ce mot là, et discuteront sans doute « les limpides équations de l’impulsion et du travail » sur lesquelles M. Pellis pense avoir établi sa démonstration.

II. La force et la masse sont toute la mécanique, toute la science ; mais la force et la masse ne sont pas l’univers, car elles n’expliquent point la sensation. Nous ne connaissons que nos sensations ; les forces étrangères que nous supposons pour en expliquer l’arbitraire produiraient

  1. La philosophie de la mécanique, p. 77.