Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVI, 1888.djvu/516

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
506
revue philosophique

déposé à l’origine dans l’univers, ne saurait être cherchée hors de l’espace[1]. »

Le produit de l’accélération par la longueur est ainsi la mesure inaltérable du moteur universel sur un espace donné entre deux mesures données, le véritable agent moteur du monde, M. Pellis lui donne le nom d’influx métrique.

Ainsi toute accélération et par conséquent tout mouvement perceptible et toute vie résultent de l’espace, de la dislocation, de la dispersion des masses dans l’étendue, dispersion contraire à la propre nature des masses, qui tendent à se précipiter les unes sur les autres pour n’en former qu’une. Si le monde était éternel, il ne serait point ; les lois les plus générales que nous y voyons observées lui imposent dans le temps un commencement contraire à ces lois, soit commencement absolu, sine causa, tel que, sans avoir la prétention de le comprendre, le Néo-criticisme s’attribuait et peut-être s’attribue encore la faculté de le postuler, soit commencement posé par une cause étrangère au monde, par une volonté dont l’acte trouverait son explication dans une fin. Aussi bien l’influx métrique est-il pour l’auteur une force réelle, une forme de l’entité force. Nous rencontrons la force, dit-il, sous des formes diverses, nous devinons la force immobile et cachée dans les distances entre les masses qui s’attirent physiquement et chimiquement. C’est ce qu’il nomme sa forme dislocatrice ; tandis que son état ambulant suppose un rapprochement de masses conjuguées et la production de deux vitesses conjuguées (dont le plus souvent on n’observe qu’une). Enfin, transformée en chaleur, « la mystérieuse prisonnière enfermée jadis dans les distances des masses, et souvent dans une stricte immobilité, semble recouvrer sa liberté, échapper à une corvée ou à un embrigadement et défier enfin toute concentration nouvelle. »

C’est dire clairement que la force dépensée dans l’organisation et l’intégration des mondes ne saurait se reconstituer sans déficit par le choc des masses intégrées, et que le mouvement perpétuel renouvelé des Grecs par M. Herbert Spencer n’est pas encore admis à figurer dans la science. Un équilibre peut sans doute se produire par une variation périodique de la vitesse où les accélérations sont compensées par des variations de distance, comme dans la course elliptique d’une planète ; mais nous ne vivons pas plus de vitesses périodiques reconstituées que de vitesses uniformes ; « nous vivons de l’effacement définitif des différences dans les vitesses, dans les températures et les positions successives. Nous consommons un immense tumulte dont nous exploitons l’agitation inexpliquée et inexplicable ; nous cesserons de vivre aussitôt que l’équilibre et la régularité seront atteints. L’influx est l’aliment de notre vie, déposé dans l’espace[2]… »

« Les mouvements définitifs de l’état d’équilibre dernier pourront être

  1. La Philosophie de la mécanique, p. 63.
  2. Ibid. p. 76.