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QUESTIONS DE PHILOSOPHIE MATHÉMATIQUE


Monsieur le Directeur,

La Revue philosophique a publié en mars 1887 un article de M. Calinon, intitulé le Temps et la Force.

Cet article, qui contient certainement des détails fort intéressants, repose dans son ensemble sur un raisonnement faux, qui a conduit l’auteur à une conclusion des plus piquantes sans doute, mais qui n’est pas justifiée.

L’erreur nous a semblé alors tellement manifeste que nous n’avons pas cru devoir la relever, laissant ce soin à chaque lecteur de la Revue ; sans être versé dans les hautes mathématiques, il suffisait pour cela d’avoir quelques notions de géométrie plane élémentaire.

Mais, en février dernier, M. Tannery, avec l’incontestable autorité qui s’attache à son nom, paraît sanctionner les conclusions de M. Calinon : « Les lecteurs de la Revue, dit-il (Psychologie mathématique et psychophysique, février 1888, p. 191), n’ont pas oublié l’article récent (mars 1887), où M. Calinon a discuté la notion de temps et montré, d’une manière irréfutable, que, par exemple, le principe d’action et de réaction ne peut être vrai qu’en prenant pour mesure du temps un mouvement déterminé, tel que la rotation de la terre. »

M. Sorel, dont les lecteurs de la Revue ont pu apprécier l’esprit philosophique et mathématique dans une savante étude qu’il a publiée sur le calcul des probabilités, adopte aussi les idées de M. Calinon et nous dit (nº d’avril 1888, p. 452) :

« Le remarquable article publié par M. Tannery dans le numéro de février donnera lieu sans doute à beaucoup de réflexions de la part des lecteurs… M. Calinon a très bien reconnu que la cinématique est fondée sur l’observation du mouvement de la sphère céleste… »

Ce qui est plus grave, c’est que M. Calinon ne se soit pas encore aperçu de son erreur ; dans un article nouveau paru dans la Revue en juillet 1888 et intitulé Notions premières en mathématiques, il nous renvoie à son article de mars 1887, et paraît considérer ses conclusions comme définitivement acquises à la science. Il est donc peut-être à craindre que les idées de cet auteur se propagent sans nouvel examen, appuyées par MM. Tannery et Sorel. C’est ce qui nous a décidé à appeler votre attention sur ce point.