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notes et discussions

Mais cette association n’a de tels caractères qu’à cette condition : c’est que les termes dont elle est tissue soient noués, au point de se confondre en une sorte de synthèse chimique. Une association inséparable de perceptions, d’images, ou d’idées, n’est plus qu’une idée, qu’une image, qu’une perception ; elle n’est pas un jugement. C’est un fait, non une vérité. C’est un fait, et un fait particulier, même après que l’esprit, pour y arriver, a traversé le général.

Une telle association diffère donc essentiellement des principes qui président au travail de la pensée, puisqu’au lieu de les expliquer elle ne s’explique que par eux. S’il s’agit de ces lois de l’esprit, la nécessité réside non seulement dans l’application infaillible que nous en faisons même à notre insu, mais aussi dans le rapport intelligible des termes du jugement qui restent distincts. Une association inséparable est un fait, et ne sera jamais qu’un fait, tant qu’un jugement réfléchi ne l’érigera pas en vérité, ou n’y démêlera pas une illusion : ici, la nécessité ne réside plus dans la liaison logique des termes unis, puisque l’analyse de leurs relations nous prouve notre erreur, mais dans la constatation inévitable d’une apparence trompeuse que nous imposent des expériences accumulées. Le fait peut donc à notre escient demeurer en désaccord avec la vérité. La science est d’un tout autre ordre que la sensation.

Maurice Blondel.