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les idées anciennes, beaucoup de personnes ne voient plus dans l’animal qu’un agrégat, une colonie, une ruche, dont les éléments seuls les intéressent.

Les classifications biologiques paraissent se distinguer tout à fait de celles de la physique pure. Dans celles-ci, tout se détermine au moyen des nombres. La définition porte sur l’individu, elle est complète et parfaite. On peut dire alors réellement de la cause qu’elle est un principe, en vertu duquel on peut déduire d’un état antérieur un état futur. Il n’en est pas de même en biologie et on ne saurait étendre cette notion de détermination causale à cette science. Tout au moins, il n’est pas possible de démontrer qu’il soit possible de le faire. Cl. Bernard, qui, dans ces matières, a une très grande autorité, ne pensait pas que le nombre fût applicable aux études biologiques. S’il en est ainsi, on ne peut pas dire que la cause permet de déterminer l’effet, dans le sens où l’on peut le dire en physique.

VI

Les classifications artificielles sont celles dont se sert le vulgaire ; le savant les emploie quand il ne peut faire autrement. Quelle est la cause du ralentissement du projectile ? La résistance de l’air, cause complexe, non scientifique, ou classification artificielle. Elles servent à traiter les questions sous le rapport de la cause, mais à titre purement provisoire.

A. Comte avait très bien reconnu que la science a pour fin la détermination des classifications ; il attachait une très grande importance à leur étude. À son époque, il n’y avait, en dehors de la mécanique céleste, que fort peu de causes simples bien déterminées. Il devait donc se borner aux classifications artificielles et, le plus souvent, il ne savait pas les distinguer des naturelles.

En voici un premier exemple : les lois des proportions définies étaient encore de la nouveauté ; quelques auteurs ne croyaient pas qu’elles fussent applicables à toutes les combinaisons chimiques. On distinguait alors la chimie organique et l’inorganique. A. Comte trouve cette séparation oiseuse et mal fondée ; il se demande ce qu’il faut alors penser de la loi de Dalton, que l’on ne croyait pas vérifiable sur les corps organiques. Sacrifiant tout à la classification. (qu’il fabrique et qu’il s’impose a priori), il déclare que cette loi devra être écartée, si, vraiment, elle peut servir de base à la distinction des deux chimies. Il eût été plus scientifique de raisonner d’une manière tout à fait opposée. La loi de Dalton a fait faire un pas énorme à l’application de la théorie des causes simples en chimie.