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G. SOREL.de la cause en physique

jamais un très grand mal ; car l’observateur a toujours, près de lui, un guide sûr : l’expérience le corrigera. En physique, on ne fait jamais un calcul sans en demander la vérification ; l’erreur ne peut se propager très longtemps.

Les classifications artificielles sont celles dont se sert le praticien pour l’étude des phénomènes. La mécanique rationnelle étant impuissante à faire connaître les lois complètes des machines, le constructeur est bien obligé de suppléer à son insuffisance, en créant des genres tout à fait artificiels. Il va bien plus loin encore, puisqu’il leur applique la définition algébrique, qui ne convient qu’aux schèmes purs de la physique ; il obtient des résultats approximatifs, qui sont d’un très grand secours, s’il n’oublie pas qu’il fait de l’empirisme et non de la science.

Nous remarquons que les recherches biologiques ont accompli un progrès énorme, depuis cinquante ans, dans la voie que nous indiquons. Le microscope permet de résoudre, en colonies distinctes, des groupements qui étaient regardés, jusqu’alors, comme des genres simples. Le grand titre de gloire de M. Pasteur sera d’avoir été le premier (ou, du moins, l’un des premiers) à poser le principe qu’à toute fermentation appartient un ferment distinct. Le problème si obscur de la transformation par fermentation se trouve ainsi complètement changé, puisqu’on peut arriver à le réduire en genres, isoler à l’état de pureté les différents germes et produire isolément chacune des opérations, dont la réunion formait un tout incompréhensible.

Cette science est encore tout à fait nouvelle et nous ne pouvons deviner quelles surprises elle nous réserve dans l’avenir. Malgré tous les progrès faits, elle n’est pas encore arrivée à l’état parfait, car les causes ne sont pas encore complètement analysées ; mais les progrès, déjà effectués, doivent donner bon espoir ; il est clair qu’on est dans la bonne voie ; c’est déjà un résultat considérable.

En histoire naturelle, les classifications sont presque toujours artificielles. Les êtres sont réunis en vertu d’analogies générales : aussi l’espèce n’a pas de définition précise. La lutte des transformistes et de leurs adversaires se ressent singulièrement de cette situation. Mais peut-on savoir ce qu’est une espèce vivante ? Cela paraît au moins extrêmement douteux, car l’animal est un tout singulièrement complexe et la science ne peut définir avec précision que des choses simples.

Il résulte de cette remarque que l’histoire naturelle n’a pu faire de grands progrès avant qu’on se mît à étudier les éléments biologiques, c’est-à-dire les parties simples, seules accessibles à la connaissance scientifique. Aujourd’hui, par un singulier revirement contre