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serait très difficile, sans cette hypothèse, de présenter les choses d’une manière simple et tangible.

On peut en dire tout autant du système de Fresnel. Aucune théorie n’a donné d’aussi beaux résultats que celle des ondulations de l’éther. Mais il n’existe, certainement, plus un physicien qui voie là autre chose qu’une très brillante et très ingénieuse fantaisie de l’esprit. Aujourd’hui, on cherche à donner à ce problème une autre forme moins matérialiste, en rejetant complètement l’existence de ce fluide, inventé par Fresnel pour les besoins de ses calculs[1].

Ainsi la science arrive à se débarrasser, petit à petit, de tout le mirage matérialiste. On parvient à dégager de simples formules, c’est-à-dire des définitions algébriques, pour représenter, d’une manière purement abstraite, ce qu’il y a de connaissable scientifiquement dans les phénomènes.

V

Nous venons de voir quel est le dernier terme auquel parvient la physique. Elle arrive à faire des analyses, à extraire des schèmes et à les formuler avec les signes algébriques. Cette méthode est-elle générale ? Quelles sont les limites de son application ?

Dans le plus grand nombre de cas (et en physique même), on ne peut arriver jusqu’à ce haut degré de la connaissance. On doit se borner à une classification moins exacte (sinon douteuse) et définir avec moins de précision.

L’esprit humain n’a pas d’autres moyens de connaître que l’analyse des genres. Quand il ne peut arriver jusqu’à la vérité absolue, il construit des classifications plus ou moins artificielles. Dans bien des cas, les théories juridiques et économiques n’ont pas d’autre caractère. Il est à remarquer que ces productions architectoniques de l’esprit ne sont jamais complètement arbitraires ; elles empruntent toujours beaucoup de détails à l’observation des phénomènes. Lange[2] a fait, très heureusement, ressortir le caractère de ces conceptions théoriques ; elles peuvent être extrêmement utiles pour le savant, en lui fournissant une bonne base de discussion et un moyen de se reconnaître ; mais elles peuvent être très dangereuses pour le praticien et surtout pour le légiste.

Dans les sciences naturelles, les classifications artificielles ne font

  1. Ces deux systèmes présentent le même vice que le vieux matérialisme : ils réalisent des schèmes.
  2. Histoire du matérialisme, II volume, 4e partie, chap.  Ier.