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G. SOREL.de la cause en physique

en outre, il faut tenir compte de l’influence du milieu, qui joue un rôle important dans la question. Dans certains problèmes, on peut arriver à faire disparaître, d’une manière matérielle, une partie des difficultés. On peut séparer les divers alcaloïdes que renferme l’opium et on parvient à les épurer, pour étudier ces corps avec leurs véritables propriétés. Mais ici il n’y a pas moyen de faire la séparation. Comment réaliser le vide ? La machine pneumatique peut bien donner un certain vide, plus ou moins parfait, au point de vue de l’air ; mais est-ce le vide réel ? question fort douteuse.

Sans avoir pu effectuer la séparation réelle des éléments, Archimède avait (longtemps avant Galilée) donné la base de la solution. Il avait reconnu qu’il fallait, pour connaître l’équilibre d’un corps immergé, combiner, suivant les lois de la mécanique, deux effets : pesanteur du corps et action du milieu. Le grand géomètre avait résolu complètement le problème, en faisant connaître l’action du fluide et en enseignant à composer les forces parallèles.

L’analyse d’Archimède était, sans doute, en grande avance sur son époque, car elle ne fut pas poussée plus loin ; les anciens n’appliquerent pas la même méthode au mouvement des graves. Pratiquement, la question était d’ailleurs plus difficile.

Ce qui nous frappe le plus, dans le problème de Galilée, c’est que les résultats scientifiques ne sont pas susceptibles d’une vérification expérimentale possible. On ne peut songer, en effet, à faire marcher les appareils de vérification dans une cloche où l’on ferait le vide on ne sait pas traiter d’une manière scientifique la question de la résistance de l’air[1].

La même difficulté existe dans toutes les applications de la mécanique. Dans tous les mouvements, on trouve des résistances passives. Les physiciens modernes regardent, aujourd’hui, cette loi comme absolument générale, et, peut-être même, en exagèrent-ils un peu l’importance. Jamais une machine réelle ne peut donner les résultats que calcule avec précision la mécanique ; il y a toujours un déficit dans le travail. Le praticien arrive à des chiffres suffisants pour lui, parce qu’il représente ces résistances passives par des forces, sans réalité physique, dont il a déterminé des lois grossièrement approximatives ; mais ce n’est pas là de la science.

Ainsi l’expérimentateur se butte à deux difficultés, existence des erreurs, dites accidentelles, et impossibilité de séparer, effectivement, les divers éléments des phénomènes (dans presque tous les cas).

  1. Dans le problème statique d’Archimède, on arrive, au contraire, à exprimer d’une manière mathématique l’action du milieu fluide.