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d’autres termes c’est l’essence. On se demande, par exemple, pourquoi telle ou telle chose forme une maison. C’est parce que la chose a tout ce qui constitue une maison… Ainsi on revient à chercher la cause de la matière, c’est-à-dire la forme, qui fait que la chose est ce qu’elle est, en d’autres termes, l’essence. »

Dans un autre passage il s’exprime encore plus nettement[1] : « En ce qui concerne la cause formelle, c’est la définition de l’objet qui la donne, mais cette définition même reste obscure, tant qu’on n’y joint pas l’indication précise de la cause. Qu’est-ce donc que l’éclipse ? c’est la disparition de la lumière ; si on ajoute que cette occultation vient de l’interposition de la terre entre le soleil et la lune, cette explication renferme alors la cause du phénomène qu’on étudie. »

Ainsi nous arrivons, par cette première et rapide analyse, à reconnaître que le problème moderne de la cause scientifique n’est autre que celui qu’Aristote a posé sous le nom de recherche de la cause essentielle (ou formelle).

III

Examinons maintenant, de plus près, comment procède la science pour traiter, à fond, un problème de physique. Nous prendrons l’un des plus simples et des plus importants, celui de la chute des corps.

A. Comte dit à ce sujet : « L’esprit le plus étranger aux conceptions mathématiques reconnaît sur-le-champ que les deux quantités qu’il présente, savoir la hauteur d’où le corps est tombé et le temps de sa chute, sont nécessairement liées l’une à l’autre, parce qu’elles varient ensemble et restent fixes simultanément, ou, suivant le langage des géomètres, qu’elles sont fonction l’une de l’autre. »

La question est beaucoup plus complexe qu’elle ne paraît à A. Comte. Les anciens n’étaient pas parvenus à analyser le problème. La solution est en effet beaucoup plus difficile que ne le croit notre auteur.

Si on fait l’expérience et qu’on mesure, avec soin, la hauteur de la chute et le temps, on n’arrivera pas à des résultats rigoureusement comparables. Si on se bornait à chercher une loi traduisant simplement le produit de l’expérience, on parviendrait à des formules empiriques, utiles, peut-être, pour certaines applications, mais sans valeur scientifique.

Chacune des mesures renfermera des erreurs, on ne pourra donc jamais vérifier la loi exactement [s’il y a vraiment une loi]. Mais

  1. Métaphysique, livre VIII, chap.  iv.