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G. SOREL.de la cause en physique

Cette citation nous paraît remarquable à plusieurs points de vue ; l’auteur est l’un des esprits les plus subtils et l’un des plus grands géomètres du siècle ; nous devons donc faire grand cas de sa manière de voir.

Il n’est pas difficile de voir que Poisson fait de la cause physique un principe anthropomorphique. Il ramène le problème des causes à celui de la volonté ; il est, en effet, assez difficile de ne pas tomber dans cette confusion, quand on pose la question comme on le fait d’ordinaire. Nous ne possédons que deux manières simples de comprendre comment une chose peut contenir le principe de détermination d’un mouvement. La première est fondée sur l’observation de notre propre personne : la volonté est le vrai type de la cause comme on la comprend le plus souvent. La seconde est basée sur l’expérience de la transmission de mouvement entre corps qui se touchent.

La théorie anthropomorphique est la plus séduisante et la plus dangereuse, parce qu’on a bien de la peine à en préciser les contours. Le système du contact est le principe du matérialisme ancien et moderne. Il a une apparence plus scientifique ; il se prête quelquefois à l’application de formules mécaniques ; il a aidé puissamment au développement de la science ; mais il n’offre pas plus de valeur philosophique que le précédent.

En dernière analyse, on peut même dire que les actions de contact sont de simples figures anthropomorphiques. En fait, pour les matérialistes, les atomes ne sont que des génies aveugles, se tenant par la main et se transmettant les excitations de l’un à l’autre, par actions réflexes. Malgré ce vice du principe, on voit, de temps à autre, le système matérialiste reparaître avec éclat. Les géomètres se figurent pouvoir, par ce moyen, ramener tout le système du monde à des formules simples et peut-être même à une formule unique. Encore de nos jours, des hommes, d’une valeur très considérable, regardent la théorie newtonienne avec défiance. L’attraction leur paraît, comme aux cartésiens, une qualité occulte, digne de l’ancienne scolastique ; ils voudraient autre chose, quelque symbole plus palpable.

Beaucoup de nos contemporains se piquent de ne pas faire d’hypothèses et d’être simplement les interprètes de l’expérimentation. La doctrine d’A. Comte agit, d’une manière continue et en quelque sorte souterraine, sur les esprits de notre temps. Peu de penseurs et de savants sont complètement dégagés du positivisme. Pour eux, toute la question consiste à trouver les relations entre les phénomènes : faire cette recherche serait la fin de la science. Dans toute étude