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diminuent en apparence le chiffre de la natalité, parce qu’ils grossissent le dénominateur du rapport . C’est pourquoi on préfère, quand on le peut, calculer la natalité en éliminant de tous les éléments impropres à la génération, c’est-à-dire en divisant le nombre annuel des naissances par le total de la population pubère (de 15 à 50 ans pour les femmes).

Mais ce qu’on obtient ainsi c’est plutôt le chiffre de la fécondité moyenne, et ce n’est pas ce qui nous intéresse pour le moment. En effet, nous voulons étudier la natalité dans sa fonction sociale qui est d’entretenir la vie de la société. Or la manière dont cette fonction est remplie ne peut évidemment être appréciée d’après le seul chiffre des naissances ; mais il faut tenir compte des vides que ces naissances sont destinées à combler, c’est-à-dire des décès. La même activité reproductrice peut être forte ou faible suivant que les pertes à réparer sont plus ou moins nombreuses. En d’autres termes, l’effet socialement utile de la natalité — et c’est celui-là seul qui nous importe — ne peut être exprimé qu’en fonction de la mortalité. Une société prolifique, mais où la mortalité est aussi très forte, n’est pas mieux portante qu’une autre où l’on naît moins, mais où l’on meurt moins. C’est pourquoi nous comparerons le chiffre des suicides dans les différents départements français non pas à la natalité proprement dite, soit générale, soit spéciale, mais à l’accroissement de population qui résulte de l’excès des naissances sur les décès. C’est ce qu’on a fort justement appelé le croît physiologique. L’accroissement ainsi calculé a de plus le très grand avantage de ne pas tenir compte des mouvements migratoires d’un département dans l’autre, qui ne pourraient évidemment que troubler nos recherches.

Dans le Compte général pour l’administration de la justice criminelle en France, année 1880, M. Yvernès a réparti les départements en six classes suivant la fréquence des suicides qui y ont été commis annuellement de 1830 à 1880[1]. Cherchons donc quelle a été pendant cette même période, ou pendant une période, très voisine de celle-là, le croît physiologique moyen dans chacune de ces six classes. Je le prends tel qu’il a été calculé par M. Bertillon pour les 69 premières années de ce siècle (1801-1869)[2].

  1. Voy. la Planche 11.
  2. Voy. Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, articles France, Démographie. — Je ne fais entrer dans mes calculs que 82 départements ; j’ai dû laisser de côté les Alpes-Maritimes et les Savoies, dont la démographie n’est connue que depuis trop peu de temps, et les départements annexés en 1870 qui ne sont plus compris dans la carte des suicides dressée par M. Yvernès.