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SUICIDE ET NATALITÉ

ÉTUDE DE STATISTIQUE MORALE


Depuis les progrès de la démographie, la question de la population est sortie des discussions logiques où les économistes l’avaient trop longtemps maintenue. On ne se contente plus aujourd’hui de disserter sur le principe abstrait de la lutte pour la vie ou sur les chances qu’a la production d’atteindre plus ou moins vite sa limite extrême. Une telle méthode ne pouvait faire avancer le problème d’un pas, car, si générale que soit la loi de la concurrence, elle n’est pas seule à régir les faits sociaux, et résoudre d’après cet unique axiome la question si complexe de la population, c’était se condamner à une solution tronquée. D’autre part, rien n’est vain comme de se demander ce que peuvent devenir la population et les objets de consommation dans un avenir reculé, car la réponse dépend de mille circonstances que l’observateur ne peut atteindre ni prévoir. La science étudie ce qui est avant de chercher à deviner ce qui sera et elle ne peut induire l’avenir que d’après le présent bien connu. La seule manière de décider si l’accroissement de la population est un bien ou un mal pour un peuple est donc d’observer les sociétés où ce phénomène se produit, celles où le fait inverse se rencontre et de les comparer.

Seulement il faut choisir avec discernement le fait social sur lequel on fait porter l’observation. D’ordinaire on raisonne comme si le bonheur des individus et celui des sociétés croissaient avec la quantité des objets consommés. On pose en principe qu’un peuple est plus heureux qui consomme davantage et on croit alors que pour résoudre le problème il suffit de chercher si les mouvements de la consommation varient ou non comme ceux de la natalité[1]. Mais c’est oublier combien le bonheur est chose relative. Il importe peu que l’aisance augmente si les besoins s’accroissent autant ou davantage. La satis-

  1. Voy. Nadaillac (le marquis de), Affaiblissement de la natalité en France. Paris, 1881, p. 121 et sqq.