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FOUILLÉE.philosophes français contemporains

aussi celle du grand art. Jointe à la force de la pensée et à la tendresse du cœur, elle aboutit nécessairement à produire, au point de vue du style, deux impressions dominantes, selon que les questions ont plus ou moins de grandeur et d’importance : c’est d’abord l’impression d’une grâce naturelle, qui est comme la transparence d’une belle âme s’abandonnant telle qu’elle est aux regards ; c’est ensuite, quand l’horizon s’élargit avec la hauteur même des questions abordées, l’impression du sublime, qui naît de ce qu’on aperçoit, comme sur un sommet, une pensée face à face avec l’infini mystère. Ces deux impressions, de l’avis unanime des critiques, sont fréquentes dans les ouvrages de Guyau ; il aura le rare honneur de compter parmi les écrivains qui, en leurs meilleurs moments, comme soulevés au-dessus d’eux-mêmes, excitent naturellement et sans effort le sentiment du sublime. Dans l’Esquisse d’une morale, les pages sur l’Océan dont nous n’avons cité qu’une partie[1], les pages sur la charité et « l’appel intérieur vers ceux qui souffrent[2] » ; dans les Vers d’un philosophe, la Question sur Dieu[3], une partie de l’invocation à la Nature (Genitrix hominumque deumque), plusieurs strophes de l’Analyse spectrale ; enfin et surtout, dans l’Irreligion de l’avenir, après tant de pages qu’il serait trop long de citer, les pages finales sur l’immortalité, sur la destinée du monde et de l’homme[4], ne sont rien moins que des inspirations sublimes : c’est du Pascal moins troublé, avec plus de sérénité et de résignation scientifique.

Alfred Fouillée.
(À suivre.)

  1. Esquisse d’une morale, p. 103 à 106.
  2. Page 24.
  3. L’Irréligion de l’avenir.
  4. Ibid.