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ANALYSES.steinthal. Der Ursprung der Sprache.

Le poète tend à exciter le sentiment ; pour y réussir, il peut recourir à la transmission dont on a parlé plus haut ; l’emploi qu’il en peut faire dépend de l’état de type dans lequel l’expression à emprunter se trouve et aussi de son tact personnel. À ce propos, comment distinguer la mythologie de la poésie ? Steinthal attribue, pour cela, une grande importance au mot comme, qui indique que le poète ne songe qu’à une comparaison. Malheureusement, dit l’auteur, comme peut être souvent sous-entendu.

Un long développement est consacré à l’aperception et au changement de signification qui est rattaché à ce dernier phénomène. Les exemples cités dans la première partie du livre sont classés parmi les aperceptions métaphysiques, éthiques et esthétiques. Il est parlé enfin de la psychophysique et de l’application qu’on peut faire de ses découvertes au langage.

À part les exemples, nombreux il est vrai et souvent intéressants, l’ouvrage dont nous venons de parler est lourd et confus comme exposition, et les explications proposées ne brillent, certes, ni par la profondeur ni par l’originalité.

B.

Steinthal. Der Ursprung der Sprache, 4e Aufl., 1888, XX-380 p.

Cette nouvelle édition se distingue de la précédente principalement par l’exposé qu’on y trouve des recherches entreprises et des résultats obtenus pendant les dix dernières années quant à la question de l’origine du langage. Abstraction faite de la conclusion qui renferme aussi quelques remarques nouvelles, l’ouvrage s’est ainsi enrichi de trois chapitres.

Dans le premier, intitulé Aus der Anthropologie und Prähistorie, Steinthal parle des découvertes anthropologiques faites dans le nord-est de la Moravie. Il est amené ainsi à critiquer la théorie (défendue en France par de Mortillet) d’une race primitive d’hommes dépourvus de langage. Il montre (p. 272 et suiv.) l’insuffisance des raisons anatomiques invoquées en faveur de cette théorie. Dans ce même chapitre, il relève cinq cas intéressants de création d’un parler spécial entre enfants vivant ensemble.

Dans le chapitre qui suit sont résumées les théories de Noiré. Ce dernier affirme que l’homme, en créant le langage, a été guidé, non par ses sentiments, mais par une connaissance calme des objets à nommer. Il n’admet entre le son et l’idée aucune intime relation causale, mais seulement une association fortuite. Le langage et la raison en même temps sont sortis d’une action réciproque du son sur les images visuelles et de celles-ci sur le son ; le sens visuel est en effet le sens proprement objectif, et, d’autre part, le son, en tant que soumis à notre volonté, a pu fixer la multiplicité changeante des images visuelles.