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dier le processus psychologique dont les faits précédents sont la manifestation ; « il doit pouvoir se comprendre d’après les lois générales du langage » (p. 6).

L’auteur remarque qu’une transmission comme celle dont il vient d’être parlé se constate surtout dans la poésie et au plus haut degré dans la poésie religieuse ; elle produit dans le langage ordinaire les expressions populaires et triviales. Il signale les emprunts faits par la poésie allemande, religieuse et profane, aux formules de l’Ancien Testament qui expriment la participation de la nature aux affaires humaines et divines, nous représentent les éléments parlant, chantant, louant Dieu ; on emprunte à la mythologie ses dieux, les influences qu’elle attribue aux astres sur les hommes, etc. ; le culte de la lumière, paien d’origine, se maintient, tout en perdant sa signification (lux lucis et fons luminis [Jesus] ; mein Leib und Seel verkleret — soll leuchten wie die Sonne, etc.) ; il se fait dans la métaphysique populaire une fusion d’éléments païens et chrétiens ; les saints chrétiens prennent pour eux certains attributs païens (Paule doctor egregie nubes volans ac tonitrum — per amplum mundi circulum, etc.).

L’auteur divise en quatre classes les expressions allemandes qui se rattachent à l’ordre d’idées étudié dans l’ouvrage. Elles consistent : 1o en mots de sens identique ou opposé, qui allitèrent ou n’allitèrent pas, dont la voyelle varie ou ne varie pas, qui riment ou ne riment pas (in Bausch und Bogen, ausser Rand und Band, über Stock und Stein, etc.) ; 2o en formules particulières avec un verbe (hinters Licht führen, durch die Finger sehen, etc.) ; 3o en composés dont la première partie est formée par des mots comme Stock, Stein, Himmel, etc. (stocktaub, stockfremd, etc.) ; 4o en restes de représentations mythiques ou religieuses (zum Teufel, Gottes Element, etc.). L’auteur montre comment le sens primitif de ces expressions s’est atténué et comment elles sont arrivées ainsi à ne plus signifier qu’un sentiment.

Dans la seconde partie du livre, intitulée partie psychologique, le développement du sentiment dans le langage est rattaché au principe de la moindre action. On nous montre comment se ramènent au principe même les faits qui semblent nettement le contredire, comme les pléonasmes (182), les comparaisons et les hyperboles (248 et suiv.). L’auteur cite des exemples intéressants de formations analogiques dans le domaine de la signification. Beaucoup de ces analogies mettent en relief le même fait, savoir l’affaiblissement du sens, de nombreuses expressions ne servant plus qu’à traduire complètement ou très (p. ex. Stocktaub, etc.), ou devenues simples signes d’une excitation émotionnelle (p. ex. Potz). « Complètement vides comme représentations, quoique en apparence désignant quelque chose de perceptible et d’individuel, elles sont devenues des substrats du sentiment. Leur emploi ne peut s’expliquer que par la prédominance de la mémoire et la rétrogradation de la réflexion » (198).