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ANALYSES.munsterberg. Die Willenshandlung.

montrer que l’hypothèse courante est vaine. À l’appui de la sienne, il fait valoir un grand nombre d’expériences journalières qui montrent que les émotions sont excitées ou produites par des causes qui n’ont rien à voir avec des états antécédents de l’esprit : le vin donne de la joie, l’alcool est un remède contre le chagrin, on en prend pour se donner du cœur ; le hachisch et l’opium ont des effets affectifs très connus, l’ipéca donne une dépression voisine de la peur, la douche guérit l’accès maniaque en agissant sur les vaso-moteurs ; enfin il n’est pas d’aliéniste qui ne connaisse les angoisses, les chagrins dits sans cause, plus rarement les joies maladives.

L’auteur n’a pas la prétention d’avoir résolu le problème d’une manière définitive, ce qui est impossible dans l’état de la physiologie, mais d’avoir montré dans quelle voie il faut chercher : en dernière analyse, sans la réaction des vaso-moteurs, notre vie serait totalement dépourvue d’émotions.

Cette théorie qui se réduit, en définitive, à dire que les effets de l’émotion, selon le langage vulgaire, en sont réellement les causes, paraît d’abord un paradoxe et un défi au sens commun. Nous croyons, pour notre part, que M. Lange est dans la bonne voie. Il paraît ignorer qu’il a été devancé sur ce point. Parmi ses prédécesseurs, il cite avec éloges Malebranche, Recherche de la vérité (livre V), qui, malgré l’insuffisance des données physiologiques de son époque, avait eu des vues géniales sur ce sujet. Mais la même thèse a été soutenue avec beaucoup de force par M. W. James, dans un article du Mind intitulé : « What is an emotion  ? » et analysé ici (t.  XVIII, p. 482). Même ceux qui seraient le moins disposés à accepter cette théorie seront bien obligés d’accorder qu’elle a un mérite incontestable : c’est de montrer que les prétendus effets de l’émotion ne peuvent pas être considérés simplement comme des phénomènes extérieurs à elle ; qu’une fois produits, il est nécessaire qu’ils aient leur répercussion dans la conscience et qu’ils sont au moins une partie des éléments constitutifs de cet état complexe que nous appelons une émotion.

Th. Ribot.

Hugo Münsterberg. Die willenshandlung, ein beitrag zur physiologischen psychologie. Freiburg, I. B., 1888, 163 pp.

L’auteur se propose dans cet ouvrage de rechercher comment la volonté meut le corps. Il laisse de côté toute spéculation éthique, métaphysique, etc., et se borne à une étude positive : 1o de l’action volontaire considérée comme un processus mécanique ; 2o de l’action volontaire considérée comme phénomène de conscience ; 3o il essaye d’établir une théorie psychophysique des rapports entre le côté physiologique et le côté psychologique de la volition. De là la division du livre en trois chapitres.