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secondaires et consécutifs. L’auteur, avec beaucoup de raison, se propose de limiter son étude aux émotions les plus simples, les plus nettes ; ce sont les quatre que nous avons nommées plus haut, mais il donne une description physiologique très minutieuse de leurs concomitants physiologiques. Il est impossible de présenter ici un résumé de ces descriptions ; nous nous bornerons aux traits principaux.

1o Chagrin ou peine. Le trait le plus frappant, c’est l’effet paralysant produit sur l’appareil moteur volontaire, abattement, lenteur. De plus, contraction des muscles involontaires des vaisseaux, resserrement vasculaire, pâleur, collapsus, diminution des sécrétions, sauf en ce qui concerne les larmes. Si cet état dure, il y a défaut de nutrition, changements « séniles ».

2o Joie. On a raison de l’opposer physiologiquement à la peine : car il y a augmentation des fonctions de l’appareil moteur volontaire et dilatation des vaisseaux, respiration plus active, chaleur, etc. La joie « rajeunit ».

3o Peur. Physiologiquement, elle se rapproche de la première émotion étudiée. Il y a paralysie de l’appareil moteur volontaire, spasme des muscles qui resserrent les vaisseaux : seulement, les deux choses sont d’un degré plus élevé et brusque. La paralysie, la pâleur et le froid sont plus intenses que dans le chagrin, « le sang se glace dans les veines ».

4o Colère. Dilatation des capillaires comme dans la joie, surtout à la tête, mais avec bien plus d’intensité, d’où la tendance aux hémorragies, violente innervation des muscles volontaires, tendances à frapper, à détruire, parole désordonnée.

Outre ces quatre émotions, l’auteur a étudié très sommairement quelques autres la timidité, l’effort, l’attention expectante. Venons-en maintenant aux conclusions théoriques qui sont le but de ses recherches.

Entre tous les symptômes énumérés ci-dessus (nous n’avons donné que les principaux), quels sont ceux qu’il faut considérer comme primitifs ? et lesquels sont secondaires ? Autant que l’état actuel de la physiologie permet de répondre, c’est le changement dans l’innervation vaso-motrice qui est primitif ; le reste (paralysie ou anomalie des mouvements) est secondaire. L’auteur appelle sa théorie vaso-motrice, à cause de l’influence prépondérante de l’innervation des vaso-moteurs.

Nous sommes maintenant préparés à résoudre cette question : Quel est le rapport entre les émotions et les phénomènes physiques concomitants dont nous venons de parler ? La psychologie populaire (et la psychologie scientifique n’en diffère pas beaucoup) considère les émotions comme des entités, des « états de l’âme qui se traduisent par certains effets. Mais cela n’explique rien. Pour l’auteur, au contraire, ce qui est produit immédiatement, ce sont certains phénomènes physiques que nous avons décrits plus haut et qui sont en réalité la cause des états de conscience que nous appelons émotions. Il s’attache à