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ANALYSES.ch. sécrétan La civilisation et la croyance.

pas un salut individuel et égoïste, mais un salut collectif où tous auront part, puisque tous ne sont qu’un seul. Nous ne pouvons cependant nous représenter l’auteur de nos destinées, l’être en qui nous sommes tombés. Le monde n’a pas été fait d’un coup : il est sorti lentement, par évolution du sein même de Dieu, mais il est profondément distinct de lui, et c’est librement que Dieu l’a créé. Aussi la créature peut-elle être libre en quelque mesure, elle est engendrée par Dieu bien plutôt qu’elle n’est faite par lui : elle reste en partie indéterminée, elle n’est tout ce qu’elle peut être qu’en puissance. Elle peut donc se déterminer elle-même en tant que créée elle n’est pas libre, mais en tant que libre elle n’est pas créée, elle se fait elle-même. « Le monde est sorti de Dieu pour se réaliser comme être distinct, afin de donner un objet au divin amour et de rentrer en Dieu par son amour. La religion est essentiellement un acte de foi dans la puissance que Dieu possède de supprimer le mal qui nous sépare de lui. C’est l’effort de la créature morale pour rétablir son rapport normal avec le principe de son être. La chute nous a rendus incapables d’aimer et de connaître Dieu ; aussi n’y a-t-il pas de religion naturelle, il faut que Dieu nous aide, qu’il nous donne sa grâce. L’initiative vient de Dieu, mais avec son assistance la créature se relève : c’est elle-même qui se transforme. Il faut que l’homme ancien périsse pour que l’homme nouveau puisse naître ; mourir pour Dieu, mourir en Dieu, c’est commencer à vivre. Mais notre amour doit être un amour en acte, un amour qui se confonde avec la charité. Toute religion est donc une religion révélée ; elle est par son essence même surnaturelle, mais le surnaturel n’est pas le merveilleux, l’existence du surnaturel n’implique pas de dérogations aux lois de la nature, elle implique l’existence d’une force supérieure à la nature, qui agit selon les lois mêmes de la nature. L’homme qui n’est pas religieux est un malade ; conversion, c’est guérison ; la vie spirituelle n’est pas distincte de la vie morale, c’est la vie même qui nous est imposée par notre conscience du devoir ; la conscience morale ne tolère pas au-dessus du sien un autre idéal. Il n’y a pas d’opposition véritable entre la nature divine et la nature humaine ; la nature divine, c’est la sainteté. Jésus-Christ est fils de Dieu, de substance divine, parce qu’il est l’homme dans sa vérité. Pour que le christianisme subsiste, il faut que Jésus soit homme et Dieu tout ensemble, et il est Dieu parce qu’il est l’homme même. La rédemption, c’est le repentir de l’humanité en Jésus-Christ, et ce repentir a été préparé par le grand exemple donné par Jésus. Le salut par Jésus-Christ, c’est l’imitation de Jésus-Christ rendue possible par le sacrifice de Jésus-Christ. L’homme est immortel, mais l’immortalité n’appartient qu’aux justes : le péché tend à anéantir le pécheur, le salaire du péché c’est la mort ; la vie éternelle n’est que la continuation de la vie divine que nous vivons dès cette terre par notre foi en Dieu ; Jésus nous sert d’introducteur à cette vie divine : nous affirmons sa sainteté, parce que nous avons besoin qu’il soit saint. Ce qui établit la réalité de la