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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


Charles Sécrétan. — La civilisation et la croyance, in-8o, 474 p. F. Alcan, 1887.

M. Sécrétan avait traité déjà dans la Philosophie de la liberté et dans le Principe de la morale la plupart des questions qu’il aborde dans ce livre ; les solutions qu’il en donne sont à très peu de chose près les mêmes que celles qu’il en avait données dans ses autres œuvres, sa doctrine générale n’a changé qu’à peine, et encore faut-il avouer que les changements qu’on y peut observer sont plus apparents que réels ; malgré cela, je crois que l’on n’aurait de la philosophie de M. Sécrétan qu’une idée inexacte et incomplète, si l’on se dispensait d’étudier ses théories sous leur forme nouvelle. M. Sécrétan n’a pas voulu cette fois faire œuvre de métaphysicien : son livre est un livre de philosophie pratique et, s’il n’est accessible qu’au petit nombre, du moins s’adresse-t-il à tous. Son œuvre entière au reste est une œuvre pratique : la connaissance plus parfaite de la nature n’est à ses yeux qu’un moyen de mieux agir. S’il a essayé de donner à quelques-uns des grands problèmes métaphysiques de nouvelles solutions, c’est que ces solutions nouvelles lui semblaient se concilier plus aisément avec ses croyances, que c’était sur ces croyances qu’il avait fondé toute sa morale et que la pratique du devoir lui paraissait la seule chose absolument bonne, la seule qui donnât un prix à la vie : ce sont des considérations du même ordre qui l’ont déterminé à écrire ce nouveau livre. La société souffre, elle traverse une crise douloureuse où toute la civilisation peut sombrer. Le gouvernement démocratique est fondé sur la justice ; son but, c’est de donner à l’individu une entière liberté : en fait il aboutit à l’oppression des minorités par les majorités, il met obstacle au libre développement de l’individu ; il ne sait pas être équitable, mais se fait l’instrument des passions de la foule, qui, peu soucieuse du droit de chacun d’être lui-même, ne veut permettre à personne de ne pas ressembler à tous. Aucun frein légal ne peut empêcher longtemps le peuple d’aller où il veut ; il est le seul maître et il le sait, il se débarrasse aisément des obstacles qu’il a mis lui-même à ses volontés, les magistrats même ne pourront bientôt juger que comme il lui plaira. La démocratie est de sa nature