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et de psychologie à la fois, elle donne au délit le sens le plus concret qu’il comporte.

Veut-on avoir un échantillon des discussions auxquelles on se livrait complaisamment dans le sein de l’école classique avant l’inoculation du virus darwinien ? Par exemple, page 121, je lis une controverse sur le point de savoir si l’arrêt d’acquittement ou de condamnation doit être rangé parmi les modes naturels ou les modes politiques d’extinction de l’action pénale. Carrara tient pour naturels. Mais à cela il y a bien des difficultés. Car naturel s’oppose à social. « Qui ne sent la différence entre la mort naturelle de l’accusé et le déroulement d’un procès criminel jusqu’à son terme ? » Pourtant, dire qu’un verdict affirmatif ou négatif est un mode politique d’extinction de l’action que la société avait contre l’auteur d’un crime, cela est difficile à comprendre, d’après M. Innamorati, et je suis pleinement de son avis. Que faire ? Il propose une solution propre à tirer tout le monde d’embarras. Volontiers, dit-il, il qualifierait la sentence absolutoire ou condamnatoire de « mode judiciaire » d’extinction de ladite action. Effectivement, mode judiciaire est on ne peut plus judicieux. — Autre grave question encore, celle de décider si la récidive doit être traitée au chapitre de la quantité du délit et de la peine, ou au chapitre de leur degré. M. Innamoratti penche pour la quantité, et il motive sa préférence, assez brièvement du reste. Ce passage sur la récidive, qui est pourtant une des plus sérieuses préoccupations de notre temps, est remarquablement court. L’école ontologique a ses raisons pour ne pas insister sur cette considération. Si, en effet, le délit doit être examiné à part du délinquant, à plus forte raison le délit doit-il être examiné à part d’un autre délit. M. Mouton est bien plus logique que M. Innamorati sur ce point ; car il ne veut pas que la récidive soit une cause d’aggravation de la peine. — Ce n’est pas que le livre du savant professeur de Pérouse n’ait un réel mérite et n’offre un sérieux intérêt ; mais, vraiment, après des passages comme ceux qui précèdent, on s’explique le succès de l’Uomo delinquente et des Nuovi Orizzonti. Ne finissons pas sans rendre à M. Innamorati cette justice qu’il se prononce contre le jury, cette juridiction sans appel, là précisément où l’appel serait le plus nécessaire, c’est-à-dire dans les causes les plus graves.

M. Alimena n’appartient, ce semble, à aucune école ; mais on sent bien qu’élevé dans l’ancienne, il a respiré l’air de la nouvelle, excellente condition pour entrer dans ce que nous appellerions en France l’école historique. Le sujet qu’il a choisi, la préméditation, est un de ceux sur lesquels les novateurs se rencontrent avec le jury. Depuis le droit romain, tous les codes des peuples néo-latins et des nations habituées à les imiter ont attribué à la préméditation, comme circonstance aggravante de l’homicide, une importance qui, dans la plupart des cas, est injustifiable, quoique l’auteur s’efforce habilement de la justifier c’est un bel exemple de moutonnerie législative. Dans la famille des législations anglo-saxonnes, notamment dans les lois