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au sein de chaque parlement ou de chaque cabinet qui délibère sur une loi ou un décret, l’autre au sein de chaque tribunal où l’on plaide une cause : or, pour le législateur, il y a toujours à choisir entre l’adoption d’un projet de loi, c’est-à-dire son affirmation, et son rejet, c’est-à-dire sa négation. Quant au juge, on sait bien que tout procès quelconque qui lui est soumis, singularité non remarquée et pourtant significative, a lieu entre un demandeur qui affirme et un défendeur qui nie. Si le défendeur fait à son tour une demande dite reconventionnelle, c’est un procès accessoire greffé sur le principal. S’il y a des tiers intervenants, chacun d’eux revêt, à tour de rôle, la qualité de demandeur ou de défendeur, et multiplie par sa présence le nombre des petits procès distincts renfermés dans le grand procès complexe. Enfin, dans les luttes gouvernementales (au sens très large du mot), il faut distinguer leur forme militaire ou militante et leur forme industrielle ; et la première doit se dédoubler, car les guerres sont extérieures ou internes, et ces dernières, appelées guerres civiles quand elles ont lieu à main armée, au plus haut point de leur intensité, constituent en temps ordinaire le conflit parlementaire ou électoral des partis. Dans une guerre extérieure, n’y a-t-il pas toujours une armée qui attaque et une autre qui se défend ? l’une qui veut oui, à chaque opération, et l’autre qui veut non ? et avant tout, la cause de la guerre, n’est-ce pas une prétention émise, ou, s’il s’agit de combats pour des doctrines, un dogme affiché et imposé, par l’un des belligérants, prétention ou dogme repoussés par l’autre ? Dans les guerres électorales ou parlementaires, il y a autant de combats distincts qu’il y de mesures proposées ou de principes proclamés par les uns, et blâmés ou contredits par d’autres. Ce procès entre un demandeur officiel et un ou plusieurs défendeurs opposants se renouvelle sous mille prétextes depuis la formation d’un gouvernement ou d’un ministère, et se termine soit par l’anéantissement de l’opposition, par exemple en 1594 par la défaite de la Ligue, soit par la chute du gouvernement ou du ministère. Quant aux concurrences industrielles, elles consistent, à y regarder de près, en duels multiples, successifs ou simultanés, entre une invention déjà répandue, installée depuis plus ou moins longtemps et une ou plusieurs inventions nouvelles qui cherchent à se répandre en satisfaisant mieux le même besoin. Il y a toujours ainsi, dans une société en progrès industriel, un certain nombre de produits anciens qui se défendent avec un bonheur inégal contre des produits nouveaux. La production et la consommation des premiers, par exemple des chandelles de suif, impliquent cette affirmation, cette conviction intime, contredits par les producteurs ou les consommateurs des