REVUE GÉNÉRALE
LA CRISE DE LA MORALE & LA CRISE DU DROIT PÉNAL
La crise du droit criminel à notre époque n’est qu’une des formes les plus saillantes par lesquelles fait éruption dans les faits sociaux ou dans les théories sociales cette grande crise de la morale qui trouble actuellement les cœurs. Ce ne sont pas quelques observations anthropologiques de crânes ou de cerveaux, ni quelques enregistrements statistiques, qui ont suffi à ébranler les antiques fondements de la pénalité, à susciter de tous côtés, ce qui ne s’était pas encore vu, des ouvriers âpres à la destruction et à la reconstruction du droit pénal sur de nouvelles bases. Pour être bien compris, le mouvement révolutionnaire qui agite les criminalistes italiens ou français, et qui se fait sentir par une secousse salutaire au sein même de l’école dépositaire des traditions, doit être rattaché à cette anxiété, à cette angoisse universelle des consciences éclairées, dont les travaux de MM. Fouillée et Guyau, de M. Beaussire, de M. Renouvier même, ont été l’expression en France. Les progrès du néo-criticisme sont peut-être, à vrai dire, le symptôme le plus frappant de cette déséquilibration des âmes, comme les progrès du despotisme sont souvent l’indice révélateur des périls qui s’accumulent autour d’un gouvernement. Avec l’intolérance désespérée du croyant qui sent sa foi chanceler autour de lui et la proclame d’autant plus impérieusement, le maître éminent de l’école rajeunie de Kant fait du devoir un dogme