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tiative des centres secondaires et des associations particulières ; d’autres, à celle du centre supérieur et de l’association tout entière qui y est représentée. » Dans l’être vivant les premières sont remplies par les cellules ; les secondes, par les organes de nutrition et de croissance, l’estomac, les poumons, le cœur ; enfin les dernières, par le système nerveux et l’organe directeur central, le cerveau.

Ces trois éléments composants ou organiques de la société conservent chacun leur existence propre, leur autonomie dans leur sphère d’action respective ; mais ils se rattachent les uns aux autres par des liens étroits de solidarité et concourent, par un échange incessant de relations, à la vie de l’ensemble.

Toutefois, on aurait tort d’en conclure que le tout n’existe pas en dehors des parties, que la société, envisagée indépendamment des unités qui la composent, est une pure abstraction. Herbert Spencer a très exactement défini la nature des rapports qui unissent les parties de la société au tout : « Il y a dans l’organisme social comme dans l’organisme individuel une vie de l’ensemble qui ne ressemble point à celle des unités, encore qu’elle en soit le produit. » (Principes de sociologie.)

La société est bien en effet le produit, la résultante des facteurs fondamentaux de l’organisme social, les individus, les associations, l’État ; sans eux son existence resterait purement nominale ; et néanmoins elle est quelque chose de plus qu’eux, elle constitue une réalité distincte et vivante évoluant d’après ses propres lois et disposant de tout un appareil de fonctions et d’organes spéciaux, comme les unités dont elle procède.

Il est même permis de constater que, plus les parties sont distinctes et spécialisées, plus chacune d’elles entretiendra de rapports avec les autres et contribuera à accroître la vitalité de l’ensemble. « L’individualité supérieure, remarque avec profondeur M. Espinas dans ses Sociétés animales, est riche en fonctions ; c’est un foyer d’activité vitale énergique, et par cela même elle soutient des rapports nombreux et nécessaires avec d’autres foyers de vie, d’autres individualités. Ce n’est pas une déchéance, c’est un progrès pour l’individu, de devenir organe par rapport à un tout vivant plus étendu. » Et il ajoute quelques lignes plus loin : « L’individualité du tout est en raison de l’individualité des parties, et mieux l’unité de celles-ci est définie, plus leur action est indépendante, mieux l’unité du tout et l’énergie de son action sont assurées. » (Page 169.)

Aussi la vigueur et la santé d’une nation se mesurent-elles à l’individualité et à l’activité de ses unités composantes ; si les individus, si les associations, si l’État ne manifestent qu’une vie peu intense